L’étrange histoire du p’tit rang 8

L’étrange histoire du p’tit rang 8

ven, 26/03/2021 - 07:50
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Le p’tit rang 8 demeure, de nos jours, un des beaux rangs agricoles de Palmarolle. Or, ce que l’on sait moins, n’eut été de la ténacité et de la persévérance de ses premiers occupants, il n’existerait pas aujourd’hui.

C’est ce que Roger Caron nous apprend dans son autobiographie éditée en 1987. Selon ce dernier, à partir du milieu des années ’20, et ce pendant plus d’une dizaine d’années, des chicanes et des revendications auraient eu lieu impliquant notamment son père Napoléon et ses voisins contre le clergé et les élites du village naissant.

La municipalité n’étant pas encore constituée à l’époque (elle le sera le 14 avril 1930), les « dirigeants » d’alors, appuyés des habitants du village, veulent construire une route le long de la rive nord de la rivière Dagenais où sont déjà installés quelques colons, au détriment de ceux qui ont choisi le « fronteau » qui deviendra plus tard le p’tit rang huit.

Déjà auparavant, l’Abitibi avait été arpentée selon un modèle quadrillé. Les cantons faisaient 10 milles sur 10. Chaque canton était sillonné de rangs orientés est-ouest à tous les deux milles. Et entre chaque rang il y avait « le fronteau ou trait-carré » marquant le bout des terres.

À l’époque, le p’tit rang 8 de Palmarolle détonne, étant « tracé » au fronteau. 

La raison en est que les propriétaires de lots du côté sud du rang 8 et 9 ne peuvent s’établir là-bas, selon la norme, étant donné que ce sont des terres basses, des « swamp », des terres noires, impropres à l’agriculture et à la construction. D’où le débat qui perdurera pendant plusieurs années sur la pertinence pour la municipalité de prendre en charge le p’tit rang 8 qui n’est à ce moment-là, qu’un sentier boueux louvoyant entre les arbres et les souches.

Roger Caron raconte que « personne à ce moment n’aurait pu imaginer tout le trouble et la misère faits à ce groupe de colons. Le trouble et la chicane a augmenté d’un cran quelques années plus tard quand la paroisse s’est formée en municipalité ».  

Au cours d’une visite de l’agent des terres au p’tit rang huit, Napoléon et ses voisins croient comprendre qu’ils sont dans leurs droits et ils continuent à défricher leur lot, du sud vers le nord. Dès lors, la pomme de discorde avec la nouvelle municipalité et le curé Halde concernant la construction d’un vrai chemin s’envenime.

Napoléon et les autres colons « se réunissent pour faire une demande au conseil municipal pour qu’il appuie une demande faite au gouvernement pour qu’il donne un peu d’argent pour construire notre chemin ». Ils veulent simplement être traités comme tous les autres. Le Conseil municipal refuse net, invoquant que « ça donnerait un chemin de plus dans la paroisse ». Roger Caron rappelle ceci : « Un homme bien vu dans le village a fait accroire ça à tout le monde, même à monsieur le curé… ».

Malgré cette autre rebuffade, les colons du p’tit huit persistent et décident de se faire un bon chemin. Ils buchent, arrachent les souches, creusent les fossés et arrondissent le chemin sur deux milles. On ne sait comment mais toujours est-il qu’un jour le gouvernement envoie 200 dollars au Conseil municipal pour distribuer aux colons du p’tit huit afin de les remercier pour leur travail. Au lieu de distribuer le montant, les conseillers « ont été bâtir un pont sur un gros ruisseau tout le long de la rivière. Belle injustice! ».

Monsieur Caron rajoute que « durant ce temps-là, tout le monde de Palmarolle est contre le chemin du p’tit huit, cela parce que les gens manquent de renseignements. L’avenir dira cependant que les colons du p’tit huit avaient raison ».

Ces colons ont marché à travers bois pendant une dizaine d’années, traînant derrière eux leur misère et ne demandant qu’une chose : être traités comme tous les autres paroissiens. Roger Caron, dans son autobiographie, se demande « comment ils ont persévéré plutôt que de déménager dans une autre paroisse. »

Toutes ces chicanes entre les élites de l’époque et les colons du p’tit rang huit ont longtemps laissé des traces. Napoléon, un fervent catholique malgré tout, et le curé Halde auront d’autres « embarras » sur d’autres sujets.

À suivre