L'interprétation

L'interprétation

sam, 25/04/2020 - 09:26
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L'exercice d'écriture est un défi à celui qui, par la seule force des mots et de la syntaxe, peut préciser sa pensée au point d'être pratiquement certain de ne laisser aucun champ libre à l'interprétation que pourrait en faire son lecteur. D'accord, mais les écrits, comme tous les arts, seront toujours sujets à interprétation. C'est inévitable.

Le lecteur possède sa propre culture, ses propres origines, ses propres codes, etc. Sa grille d'évaluation est unique. Donc son interprétation sera souvent teintée d'un point de vue à nul autre pareil. Même chose pour le lecteur d'une œuvre en art visuel. L'artiste dira parfois que son œuvre terminée et livrée au regard du public suivra son propre chemin et le créateur perdra le contrôle sur son interprétation. Il n'y peut rien.

Tant mieux, d'une certaine manière, puisque les arts, quels qu'ils soient, offrent cette ouverture à tous : celle d'une totale liberté quant à la traduction qu'ils feront de tout ce sur quoi portera leur regard. En art, le principe premier est la liberté. Exemple : l'écrivain en théâtre crée de toutes pièces (sans jeu de mots); le metteur en scène est libre d'adapter et\ou d'actualiser comme l'interprète dans son jeu. L'œuvre évolue donc vers une autre version d'elle-même. À preuve, les exemples abondent en ce qui a trait à l'interprétation qu'on peut faire de la musique. C'est sans fin! Pour notre plus grand plaisir, mais avec des réserves quant aux nouvelles versions de chansons qui peinent à égaler en qualité l'originale… donc, oui, les limites existent. Mais liberté oblige!

Les portraitistes, quant à eux, interprètent le modèle. Autant d'artistes, autant de versions. En effet, il y a beaucoup de place laissée à l'interprétation parce que le fait de pouvoir rendre justice au modèle, le fait de correspondre, par l'art du dessin, trait pour trait, au visage qu'on tente de reproduire dépend de l'habileté du portraitiste d'une part, mais d'autre part, de son style, de sa rigueur, de son angle, de sa vision et de son coup de crayon caractéristique constituant sa signature, en quelque sorte. Autant de facettes à l'expression libre dans la mesure où le modèle peut se reconnaître. L'artiste ne relève le défi que dans les limites de son talent ou il ne s'attache pas au résultat. Ceci étant admis, le dessin reste une interprétation libre ou fantaisiste et, par définition, il pourrait relever le défi de la ressemblance et faire l'unanimité.

Si on a une idée en tête, l'exprimer clairement reste aussi un défi. Contrairement à l'exemple du portrait, personne ne peut voir cette idée. On doit donc pouvoir la traduire en termes précis, choisis pour que le concept apparaisse clairement à l'interlocuteur et que rien ne soit laissé au hasard… il faut tout de même admettre que le hasard est fécond en termes d'idées.

Même si on s'applique à s'approcher de l'original à travers le portrait qu'on fait de quelqu'un, ce geste reste une tentative de représenter, une lecture, l'expression d'un désir de rendre, de concrétiser, animée de force coups de crayon guidés par l'expérience ou par l'instinct pour donner un poème tout en profondeur dont le temps requis pour le produire en a soutenu l'intention. Il reste néanmoins une interprétation. Idem avec le lecteur qui s'approprie l'écrit.