décembre 2023

LA FRACTURE (Suite et fin)

Un après-midi d'été, il avait stoppé son taxi devant la maison. Il passait par hasard, étant allé reconduire un client un peu plus bas. Il était entré sans frapper, comme d'habitude, et avait jeté un regard circulaire. Ne voyant personne, il avait tourné les talons pour rejoindre la famille qu’il avait présumé être aux champs. Sur le pas de la porte, il avait hésité et était revenu à l’intérieur. Il s’était avancé lentement et avait passé la tête par la porte entrebâillée de la chambre. Elle reposait là, étendue et enveloppée dans ses soies nocturnes.

Vaisselle des Fêtes

Il servait pour au moins deux repas ; le réveillon et le souper du Jour de l'An. Il faut dire que dans le passé la grande majorité des familles vivaient dans la pauvreté, donc il y avait la vaisselle de tous les jours et un set pour les grandes occasions. Il va sans dire que ça n’avait rien à voir avec aujourd’hui.

La fracture (1e partie de 2)

Ils étaient là, de l’ainée au plus jeune, serrés les uns contre les autres. Atterrés, ils assistaient au départ de leur mère qu'ils appréhendaient sans retour.

Leur père devait la conduire à l'hôpital pour soigner une maladie nerveuse, leur avait-il froidement annoncé au matin. Mais les plus vieux devinaient fort bien qu'hôpital, pour la maladie de leur mère, voulait plutôt dire hospice et qu'hospice, en 1934, signifiait prison à vie.

Dans mon corps de jeune fille

Un jour, ma mère m'offrit un soutien-gorge. J'avais 12 ans et à peine pouvais-je voir un semblant d'une « chique de gomme » comme indice d'un début de poitrine. Je portais alors cet attelage qui me rendait mal à l'aise et qui faisait de moi une jeune femme. Ma mère était inquiète et voulait sans doute me protéger de certain vieux monsieurs prédateurs qui, à l'hiver de 1952, se promenaient en traineau chauffé tiré par un cheval, et qui invitaient les étudiantes qui revenaient de l'école à y monter pour se « réchauffer ».