Dialogue des Carmélites

Dialogue des Carmélites

jeu, 04/07/2019 - 07:26
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Au cours de l’après-midi du 26 mai dernier était diffusé au Théâtre du cuivre de Rouyn-Noranda l’opéra Dialogue des Carmélites de Francis Poulenc(1899-1963), précédemment joué au Metropolitan Opera le 11 mai 2019.

L’histoire se passe peu après la révolution française de 1789, alors que le peuple, happé par un mouvement de laïcité, se considère apte à se gouverner lui-même. Il souhaite la suppression de toutes les sociétés d’ordres dont les congrégations religieuses comme celle des Carmélites, Soeurs cloîtrées de l’Ordre du Carmel, qui bénéficiaient de la protection des reines en France depuis 1604. Le peuple espérait ainsi rééquilibrer les relations entre l’Eglise et l’état.

Dans ce Dialogue des Carmélites, les Soeurs discutent entre elles de l’atmosphère ambiante et, malgré l’insécurité qui les envahit, elles livrent à coeur ouvert leurs convictions profondes dans une foi inébranlable. La prière les rassemble et la sobriété de la mise en scène n’a d’égal que le sérieux du sujet.

Fanatisme et sédition ont force de loi à une époque où la soumission est perçue comme une contrainte qui brime la liberté de l’individu. On mettra tout en oeuvre pour éliminer de force cette soumission soi-disant à la volonté de Dieu. Le peuple refuse de comprendre qu’on puisse remettre sa liberté entre les mains d’autres personnes. Les religieuses ne l’entendent pas ainsi. Si elles ont choisi de se retirer du monde, c’est surtout pour se consacrer entièrement à la prière, considérant que le monde a précisément besoin d’être recommandé à Dieu en cette époque trouble qui divise les anticléricaux et les catholiques.

La volonté du peuple pour un exemple significatif prenant de l’ampleur, les commissaires informent les Carmélites qu’elles seront expulsées du couvent et forcées de réintégrer la société. Si elles refusent de faire le voeu d’obéissance à l’état, elles seront condamnées à la guillottine.

Loin de se défiler, les Soeurs font le voeu de se sacrifier.  C’est ainsi qu’elles entonnent, une fois à la prison de la Conciergerie, le Salve Regina. Sur la Place de la Révolution, la foule se rassemble pour être témoin du sacrifice. L’une après l’autre, les seizes Carmélites, soutenues par le chant de leurs soeurs, se dirigent vers la guillotine. On entend le bruit de la lame à chaque exécution alors qu’une voix s’éteint à jamais.  

L’opéra de Francis Poulenc dirigé par nul autre que Yannick Nézet-Séguin est  lui-même révolutionnaire, parce que la musique est considérée comme chaotique et désharmonisée. Sa modernité traduit l’inquiétude ici présente, tout au long du récit d’une époque qui fait table rase de toutes les conventions.

Néanmoins, on note quelques belles lignes mélodiques qui rendent à cet opéra toute la sensibilité qu’un tel drame peut évoquer. Poulenc, avec Satie entre autres, a initié le mouvement de déconstruction de la musique qu’un monde en constant changement suscitait pour exprimer un plus large éventail de sentiments humains dans des contextes de bouleversements sociaux extraordinaires sans possibilité de retour en arrière.