Cent mille manières d'être vivant...

Cent mille manières d'être vivant...

lun, 05/09/2022 - 07:51
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L'été, ce feu de paille...Les floraisons arbustives se succèdent, suivies naturellement par leurs fruits, les baies sauvages...

D'abord les petites fraises des champs puis, avant qu'elles ne disparaissent, les amélanches sont déjà là que suivent de près les framboises, les bleuets, les gadelles, le cassis, les groseilles, les pommettes et les prunes. Tous des incontournables pour lesquels on abandonne les jardins au profit du palais des délices... ou ne serait-ce pas plutôt les délices du palais? Rien ne surpasse en qualité ce divin prêt à manger et c'est pourquoi on balaie tout le reste du revers de la main pour faire de la cueillette en nature notre priorité. Ce trésor vivant et coloré aux mille vertus vaut bien la peine de se pencher humblement. En un mot, la nature ne réussit-t-elle pas toujours à nous captiver, à nous apprivoiser? Que si! On est souvent dans le silence alors, mais dans un silence habité... par tout le vivant multiple. Une forme de méditation, de retrait du monde. Respect.

Au soir de ce jour mémorable où vous vous serez surpassé dans la cueillette de bleuets, pas une feuille ne bouge, pas un nuage, tout est immobile, 24 degrés Celsius. Ce moment est unique et sans défaut. Une paix intérieure s'associe naturellement à l'exceptionnelle tranquillité du lieu de verdure où vous avez trouvé refuge dans un hamac confortable. Vous respirez l'air parfumé des alentours grâce à l'élégante présence d'arbres matures. Feuillus et conifères s'y côtoient depuis bientôt quarante ans. L'oxygène abonde au même rythme que votre gratitude.

Depuis des millénaires, le règne végétal s'est adapté à tous les climats, dans les montagnes comme dans les vallées, présentant d'innombrables variétés de fleurs, de plantes couvre-sol, d'arbustes fruitiers, d'essences d'arbres qui sont éventuellement adaptables d'ouest en est et/ou vice versa, mais jamais du nord au sud et/ou vice versa. À moins que toutes les conditions idéales ne soient réunies pour favoriser la pérennité d'une essence provenant d'un climat contraire, elle ne survivra pas. Un conifère grandi dans les embruns du Pacifique se verra contraint de ralentir sa croissance dans un climat continental sec. Avec de la chance et un souci constant de votre part, peut-être parviendra-t-il quand même à survivre.

L'été tient ses promesses et nous le constatons dans la majestueuse croissance des arbres et dans leur vivacité. Ils ont accès à l'éternité. En référence au livre de Francis Hallé, La vie des arbres, Montrouge, Bayard Éditions, 2011, l'auteure Anaïs Barbeau-Lavallette relève, dans son roman Femme forêt, Éditions Marchand de feuilles, 2021, le fait que si l'homme est un individu, donc indivisible, l'arbre reste au contraire possiblement divisible et c'est sa vie propre qui continue dans ses rejetons par marcottage. Ses graines quant à elles donneront d'autres arbres. Les arbres ne sont donc pas des individus comme les hommes. Les forêts voyagent dans le temps et les territoires sur des centaines et des milliers d'années, certains arbres ne meurent jamais...

La lecture du roman Femme forêt d'Anaïs Barbeau Lavalette nous ramène en forêt pour le temps d'un été. Elle nous offre une immersion riche en poésie en une saison qui voit grandir à vue d'œil les enfants avides de découvertes, de défis téméraires et de simplicité volontaire. Ainsi, la vie prend tout son sens parce que présente sous toutes les formes qui exultent dans les trois règnes animal, végétal et minéral.

On reste un moment silencieux devant l'immensité des possibles. L'enfant traite le merveilleux avec la délicatesse des sages. Intéressé par ce qui émerge de la terre, du ciel ou de l'eau, il se penche entre deux vents, esquissant une révérence au vivant ¹.

Le rythme redevient biologique, la paix demeure.

¹ Femme forêt, Anaïs Barbeau-Lavalette, Éditions Marchand de feuilles, 292p., p.51.