Maudite vieillesse!

Maudite vieillesse!

ven, 04/12/2020 - 14:09
Posted in:
1 comment

« Ô rage! Ô désespoir! Ô vieillesse ennemie! N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie? » Voilà l’extrait que l’on devait apprendre à réciter par cœur tiré du grand classique de Corneille, Le Cid, dans nos études littéraires quand nous étions jeunes, beaux, alertes, éveillés... il y a 60 ans passés.

Aujourd’hui, le vieux grincheux peut faire sien ces deux vers qu’il a récités sans croire que ce serait un jour son sort. Des deux mots de son nom « vieux » et « grincheux », ses lecteurs sont plus attentifs au second, tandis que lui-même est beaucoup plus sensible au premier : VIEUX.

Eh oui, trois quarts de siècle cela frappe l’imaginaire, mais cela « frappe » davantage la carrosserie et le rouage d’entraînement. C’est souvent l’analogie qu’il emploie quand on lui demande : « Pis toé, comment ça va le vieux grincheux? »

Pour ne pas avouer sérieusement la baisse imminente de ses capacités physiques, il n’y a rien de mieux que de tenter de répondre par l’analogie du « vieux bazou » dont le moteur et la mécanique se détériorent et se dégradent lentement, mais sûrement. Ainsi, il dira : « Ah, pas pire, ça roule encore, mais la suspension ramollit, l’alignement et le balancement seraient à refaire. Quant au différentiel, les engrenages sont bruyants, les planétaires s’emboîtent difficilement avec le pignon. Quant au moteur malgré sa consommation de « carburant » habituelle, et même plus abondante en période de pandémie, il est devenu poussif, l’air y entre plus difficilement et, en plus, il produit un sifflement le jour et un ronflement la nuit. Sans doute le filtre à air commence à être encrassé et poussiéreux après plusieurs milliers de kilomètres affichés à son odomètre. (Oh, je devrais dire « miles », car pendant les 50 premières années après sa fabrication, il était calibré selon le système de mesures anglais).

Côté carrosserie, ce n’est guère mieux : ici et là la peinture s’écaille au point que des tâches de rouille apparaissent sur le capot, tandis que la toiture en est en partie dégarnie. On peut y distinguer de grandes plaques luisantes de l’acier mis à nu. On pourrait continuer ainsi à énumérer toutes les pièces usées et affaiblies à l’usage, mais on risquerait de glisser dans la grossièreté... Laissons donc tomber les accessoires tels l’accélérateur, le levier de vitesses, l’échappement, etc.

Arrêtons-nous quand même à une composante mécanique qui fonctionne à merveille : ce sont les freins et le « brake à bras ». Aucun problème pour s’arrêter, de bonne heure, l’après-midi. Le vieux grincheux met fin à toutes ses activités manuelles et entre au garage. Traduisons donc par ceci : il entre à la maison pour s’écraser dans son fauteuil, refaire le plein de carburant liquide et solide puis, prendre la direction du lit après s’être « effoiré » devant la TV pendant une partie de la soirée.

Il lui reste cependant encore assez d’énergie pour prendre la plume et rédiger sa chronique (pas toujours drôle) à chaque mois dans notre Journal Le Pont.

Bonne nuit!