Un livre sur les arbres...

Un livre sur les arbres...

mar, 07/06/2022 - 06:39
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De l'ombre des jardins à la flambée dans l'âtre, de l'aspirine aux pneus d'avion, du bois de lit au papier de ce livre, il y a peu de domaines de notre vie où l'arbre n'ait sa place, avec la discrétion qui le caractérise. Plaidoyer pour l'arbre de Francis Hallé chez Acte Sud.

Parmi les nombreux livres que j'aime, un essai. Magistral! Un livre qui redonne à l'arbre toutes ses lettres de noblesse. Un livre qui plaît par son envergure et je ne parle pas de ses dimensions physiques. Le mot livre vient de liber en latin. C'est par le liber situé entre l'arbre et l'écorce que circule la sève, nourriture qui alimente l'arbre tout entier pour qu'apparaissent les feuilles et les ramilles nouvelles qui travailleront à la photosynthèse toute la belle saison durant à entretenir la vie sous toutes ses formes... N'y a-t-il pas là une incontestable magie? Celle qui nous fait dire que tout est dans tout... Le livre papier qui vient de l'arbre est lui aussi un chemin par lequel circulent les idées, une nourriture qui alimente. Puisque nous sommes branchés, puisque nous parlons souvent de nos racines, ne sommes-nous pas nous-mêmes des arbres? Appelés à exprimer à l'extérieur ce que nous puisons loin à l'intérieur?

D'abord, les arbres parlent du climat auquel ils appartiennent, de la nature du sol d'où ils émergent et où ils croissent, car ils en sont le prolongement. On peut tenter d'acclimater un arbre à un autre climat que le sien mais comme on ne peut présumer de son acclimatation, le résultat sera aléatoire et il peut se solder par une réussite ou par un échec. La zone où nous habitons ne peut accueillir toutes les essences qui peuplent notre planète. Par exemple, il est probable qu'un arbre qui a commencé sa vie dans les embruns de la côte du Pacifique à l'ouest du Canada puisse survivre dans notre climat continental sec (d'ouest en est) mais son déploiement sera alors brimé dans sa course et il n'atteindra jamais ni le calibre ni la hauteur que son climat d'origine lui aurait permis d'atteindre. Encore plus difficile voire improbable qu'une épinette noire survive à l'équateur (du nord au sud) ou qu'un palmier s'acclimate ici en dehors du solarium (du sud au nord) ...

Dans ce livre, on parle de l'altérité (n.f. : caractère de ce qui est autre) de l'arbre, soit de toutes les formes qu'on voudrait lui voir prendre, de tous les rôles qu'on voudrait lui voir jouer ou qu'il joue déjà et de tous les merveilleux phénomènes qui y sont rattachés comme leurs échanges chimiques au niveau racinaire, un avantage qui les relie les uns aux autres et qui reste invisible à nos yeux d'humains. Malheureusement, pour beaucoup, l'arbre n'a de valeur qu'à l'horizontale, une fois abattu et les forêts perdent sans cesse du terrain. Bien sûr que tous nous en bénéficions : nos maisons en sont faites, nos meubles, notre chauffage éventuellement et nombre d'autres utilités. Quelques minutes suffisent pour abattre le géant qui a mis plus de dix, quinze, vingt décennies à croître...

L'arbre a d'autres missions plus nobles. Oui, son matériau est noble et utile. Mais il est noble debout à la verticale, dans sa dignité, dans sa hauteur, dans sa capacité à oxygéner la planète, à protéger le sol de la désertification et les animaux sauvages de la perte de leur habitat... tant qu'il reste debout.

Mais jouir d'une forêt... S'y promener à loisir, été comme hiver et découvrir de nouveaux sentiers ouvrant sur de nouvelles ressources, nouvelles essences d'arbres, plantes comestibles, arbustes à fruits, champignons, espaces inspirants, millions d'insectes, petits ou gros animaux qui laissent leurs traces sur la neige l'hiver et qu'on ne rencontre que très rarement mais qu'on entend parfois chanter la nuit. La forêt nous accueille, nous enivre de parfums. Place au silence relatif, rempli de tous les autres sons de la vie que les nôtres comme le vent dont la voix nous parvient par le froissement des feuilles qu'il s'amuse à divertir de son mouvement initiant la danse des cimes...

Reconnaissons la magnificence de l'arbre, le voile de sa canopée, son architecture qui a inspiré les cathédrales, l'univers infini de la forêt, les citations de Paul Valéry dans Dialogue de l'arbre. Vivant refuge par excellence pour tous les êtres vivants, grâce à la forêt, l'homme pourra survivre et respirer un air neuf encore longtemps, espérons-le.