La Covid et les chemins de « gravelle »

La Covid et les chemins de « gravelle »

ven, 04/09/2020 - 10:40
Posted in:
1 comment

Le Québec est un territoire immense dont les régions sont toutes reliées par des routes asphaltées. Mais hormis les pêcheurs et chasseurs qui l’arpentent, nous connaissons moins le territoire « moyen nord », sillonné de routes de gravier. 

Deux de mes frères demeurant dans la région de Montréal possèdent un camp de pêche à quelque 95 kilomètres au sud de Chapais. À chaque été, je les accompagne lors de notre rituel voyage de pêche où on se retrouve souvent cinq frangins ensembles. Après un 125 kilomètres de gravier, de Senneterre à la Pourvoirie Berthelot, un saut de puce de 35 minutes en Beaver nous dépose au quai devant le camp.

Malheureusement cet été, à cause de la Covid et de la fermeture des frontières, aucun pourvoyeur n’a mis un hydravion à l’eau. Ils étaient tous « groundés ». Dès lors, nous avons du passer au plan B : rejoindre le camp par la voie terrestre. Une aventure de 412 kilomètres de « gravelle » à partir de Mont-Laurier puis quelque 18 kilomètres sur l’eau. 

Deux routes principales, l’une du nord au sud et l’autre d’ouest en est, traversent l’immense territoire circonscrit par Mont-Laurier, Senneterre, Chapais et La Tuque. Ces routes ont été construites pour faciliter le transport du bois en longueur qui alimente scieries et papetières.

De Mont-Laurier à Chapais, un ruban gravelé de 512 kilomètres relie ces deux villes. D’ouest en est, l’autre route relie Senneterre à La Tuque sur 500 kilomètres. De chaque côté de ces deux routes, des chemins secondaires, tels des tentacules, s’enfoncent dans la forêt.

Pour moi, à partir de Palmarolle, ce fut une aventure de 912 kilomètres. Après un dodo à Mont-Laurier avec mon frère Luc, nous avons rejoint les deux autres frérots à Ferme-Neuve. À huit heures,  nous nous sommes élancés sur le long ruban de gravier poussiéreux qui allait nous mener au débarcadère, 400 kilomètre plus haut, où un ponton nous attendait.

Première étape, Parent est un petit village sur le bord de la voie ferrée qui relie la Tuque à l’Abitibi. Une file d’une dizaine de véhicules tirant un bateau s’allongeait, attendant de faire le plein à l’unique station d’essence de l’endroit. Covid oblige, un « line up » sécuritaire s’étirait aussi pour régler la note.

L’étape suivant, La Patate du Coin. Appellation atypique pour un dépanneur de chasse et pêche perdu au milieu de nulle part à l’intersection de deux routes forestières sous le réservoir Gouin. Et comme son nom le laisse deviner, elle offre évidemment la traditionnelle poutine. De là, nous empruntons la R-1009 qui serpente jusqu’à Chapais.  

Vers 14 heures, après plus de 400 kilomètres à avaler la poussière,  nous atteignons enfin le débarcadère. À notre grande surprise, la Covid impose ses consignes jusque dans cet endroit perdu. En effet, des contenants de désinfectant sont « dock tapés »  aux épinettes noires à l’entrée du quai. Distanciation et désinfection recommandées.

Grace à la Covid, j’ai pu arpenter un territoire que seuls les aventuriers expérimentés osent explorer. Ce territoire en « gravelle » nous dévoile quelques secrets, notamment ses nombreux lacs poissonneux déposés tels des miroirs au milieu des épinettes noires, des paysages à perte de vue, sans oublier sa bucolique Patate du Coin perdue au milieu de nulle part.