L’abbé Éphrem Halde (suite)

L’abbé Éphrem Halde (suite)

sam, 26/03/2022 - 08:43
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Précédé du batelier, avec son Dieu, à travers souches et arbres calcinés, le missionnaire gravit la pente douce qui conduit à la maison.

Le maître de céans l’accueille à la porte. Sa haute stature force le prêtre à se pencher pour franchir la porte. Il gagne aussitôt le fond de l’unique pièce que séparent des couvertures de lit d’une teinte douteuse. Entretemps, Héras Richard lui a signifié ses volontés. « Écoutez, monsieur l’abbé, a-t-il dit, ma femme, vous allez la sauver car je l’aime et j’en ai besoin pour les petits. »

Cet ordre formel du mari angoissé trouble un peu le missionnaire. Il s’approche néanmoins de la malade à demi-inconsciente sur son lit. Tout à côté d’elle, dans une caisse qui a servi à transporter des provisions, repose un enfant de quatre jours à peine. Le pasteur s’occupe de la mère car le bébé a été ondoyé. Il s’agit cependant d’aller au plus pressé, dussent les prescriptions liturgiques encore fraîches à la mémoire du jeune prêtre subir quelques accrocs. Le missionnaire dépose le Saint-Viatique sur une chaise et entreprend de confesser la moribonde sans toutefois obtenir l’intégrité de la confession; puis il la communie et lui administre l’Extrême-Onction. L’intervention du prêtre a un effet bienfaisant sur la malade et sur son entourage. Celui-ci est désormais tout confiant.

Quand le missionnaire a rempli son devoir, l’hôte, histoire d’aiguiser son appétit, ce que les émotions d’une nuit à la belle étoile n’ont pas réussi, invite l’abbé Halde à l’accompagner sur le site de la croix plantée par Mgr Latulipe à l’automne précédent. Il faut suivre à la file indienne l’étroit sentier que ne borde pas la moindre construction primitive: l’œil ne s’arrête que sur d’innombrables cyprès et trembles entremêlés d’épinettes. A un mille à l’ouest pourtant, le long de la rivière, le missionnaire a pu voir en montant une maison, celle de Damase Bégin. Quoiqu’il en soit, Héras Richard a foi dans ce coin de terre et essaie de faire partager ses espoirs par son compagnon de route. Ce dernier, nous devons l’avouer, reste froid. C’est que ventre affamé n’a pas d’oreilles, et la marche lui ouvre dangereusement l’appétit, le bon abbé. La cuisinière remet tôt les choses d’aplomb par un déjeuner solide, à son retour. Le prêtre fait, il va sans dire, grand honneur aux plats d’un fumet si alléchant.

Tandis qu’il déjeune, l’abbé Halde se voit néanmoins distrait. Dans un coin de la pièce, la seule du rez-de-chaussée, se dresse une échelle. Or voici qu’au sommet de celle-ci apparaît une frimousse d’enfant aussitôt suivie par plusieurs autres. C’est la nombreuse progéniture de Philibert Vachon et de Lucas Pomerleau qui descend du grenier où elle a passé la nuit. Depuis leur arrivée dans la colonie, les deux familles logent chez Richard, en attendant que soit prête la planche qui permettra la construction des deux nouveaux foyers.

Après un déjeuner restaurateur le missionnaire doit songer à retourner à La Sarre car il est déjà neuf heures. Un dernier mot d’encouragement et une dernière bénédiction à la malade, et en route. La foi vive, jointe à l’action du sacrement, ainsi qu’il arrive fréquemment, a produit ses effets: déjà un mieux sensible se fait sentir chez Mme Richard. Mieux sensible et durable puisque cette femme donnera naissance à neuf autres enfants qui tous, ceux-là, seront rayonnants de santé.

Mais il ne faut pas oublier que le bébé dans la boîte de bois n’est qu’ondoyé. Aussi l’abbé Halde n’est pas seul avec le batelier pour le retour: Stanislas Pelletier et Clarina Vachon les accompagnent avec l’enfant. Ils seront, à La Sarre, parrain et marraine du poupon qui recevra au baptême les prénoms de Jeanne-Fernande. Pour le retour l’abbé Halde ne trouve pas mauvais de pouvoir causer à son aise et de recueillir ainsi tous les renseignements qu’il désire. Par ce début d’après-midi du 14 août, seuls les aboiements des chiens qui rôdent autour des quelques tentes échelonnées le long de la rivière La Sarre annoncent aux résidants du village du même nom l’arrivée du « compérage ». Jeanne-Fernande Richard est cependant promise pour le Ciel. Elle reviendra à La Sarre onze jours après son premier voyage, mais pour y être inhumée cette fois: elle est décédée le 21 août.

La première randonnée de l’abbé Ephrem Halde à Palmarolle est sans doute une rude expérience, mais cette expérience est pour lui un point de départ: elle marque ses débuts de bâtisseur de pays.

Dans les premières années de son ministère ce prêtre exerce son action sur des théâtres divers. Ainsi, il est vicaire à La Sarre jusqu’à septembre 1924. De là il passe à Cochrane en Ontario où il séjourne jusqu’à avril 1925. On le trouve ensuite desservant de Belcourt d’avril à juillet 1929, vicaire à Amos jusqu’à septembre de la même année puis à Taschereau jusqu’à avril 1926. L’église de La Sarre ayant passé au feu cette année-là, le curé a besoin d’un second vicaire afin de faire bénéficier ses paroissiens de trois messes le dimanche. M. Halde est donc de nouveau dans cette paroisse d’avril à juin 1926. Mais laissons temporairement de côté ce personnage intéressant car nous le retrouverons bientôt sur notre chemin et directement relié à l’évolution de Palmarolle.

Fin