L'IGNORANCE

L'IGNORANCE

lun, 28/03/2022 - 08:55
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« La Liberté commence là où l’ignorance finit », disait Victor Hugo. Ce concept de liberté, aujourd’hui dénaturé par plusieurs, n’a plus le même sens pour tous.

Pendant la période 1920-1960, notamment en Abitibi, le clergé dominait la vie des citoyens dans les villages isolés qui pullulaient sur le territoire. « Hors de l’Église, point de salut », clamait-il du haut de sa chaire infaillible.

En outre dans cette Église, il y avait de nombreux interdits, notamment la consommation d’alcool, les plaisirs de la chair, le travail le dimanche, etc. Un spectacle de Ti-Gus et Ti-Mousse fut même annulé par le curé Halde à Palmarolle pour cause de langage trop osé. La danse, longtemps prohibée, devint permise seulement sous la surveillance du curé.

On nous serinait du haut du « nid du corbeau » que le péché nous guettait dans chaque recoin, notamment dans les hôtels et même dans les bibliothèques, la plupart de livres étant à l’index, c’est-à-dire interdits. Peu scolarisés pour la plupart et coupés du monde, les membres du troupeau obéissaient sans rechigner, vivant dans l’ignorance.

J’utilise ici le mot ignorance non dans le sens d’inculture car j’ai trop de respect pour nos colonisateurs abitibiens, mais plutôt dans le sens d’ignorer, ne pas savoir…

Cependant tout cela n’était que du bourrage de crâne de la part de ces « hommes de Dieu » drapés de noir. Pendant qu’ils nous frappaient de tous ces interdits et nous menaçaient des feux de l’Enfer, plusieurs d’entre eux dépucelaient et sodomisaient impunément nos enfants derrière l’autel de Dieu.

Heureusement, la télévision, l’éducation supérieure, les sciences sociales apparurent et du coup, les nouvelles générations découvrirent l’envers de la médaille. Dès lors, les tabous commencèrent à tomber. J’ai connu la fin de cette période de grande noirceur dans les années ’60 et je suis fier d’avoir contribué à jeter ma petite part de lumière pour mettre fin à cet aveuglement du peuple maintenu pendant trop longtemps dans l’ignorance et la crainte de Dieu. Et ce n’est que récemment que nous découvrîmes peu à peu et avec consternation que le péché était non pas à l’hôtel mais plutôt derrière l’autel…

Tout cela m’est revenu à l’esprit en suivant à la télé l’occupation du centre-ville d’Ottawa par quelques centaines de manifestants en février 2022 et j’y ai vu un parallèle qui m’a troublé.  

Serions-nous en train de retomber dans une autre ère d’éteignoirs, me suis-je demandé ?

Ces adeptes du « Grand complot mondial » (ce supposé ramassis de pédo-sataniques œuvrant dans le sous-sol d’une pizzéria, ou encore que nous serions contrôlés pas des extraterrestres reptiliens…), sont persuadés que ces derniers maintiennent les populations de la planète sous leur férule, les privant de liberté. Certes, à Ottawa comme ailleurs, tous les manifestants n’étaient pas des conspirationnistes; mais ils avaient un chose en commun : la négation de la réalité. À entendre leurs commentaires sur les raisons qui les motivaient, j’y ai vu une grande ignorance, comme au début du siècle dernier.

Ces théories complotistes, cette falsification des faits par les gourous « trumpistes » et autres pullulent sur les réseaux sociaux dont s’abreuvent leurs adeptes. Comme le proclament leurs mentors, ce troupeau nie les faits; untel l’a dit, donc c’est vrai… Plusieurs n’ont pas de télé et ceux qui en ont ne regardent que les chaines alternatives. Ils ne lisent pas, rejetant les médias traditionnels.  Rivés sur les sites complotistes, ils sont enfermés dans leur réalité parallèle, convaincus d’avoir raison. Ce dont ils ne se rendent pas compte cependant, comme nous à une certaine époque, c’est que ce bourrage de crâne, venant de leurs mentors qui profitent de leur ignorance et leur faiblesse pour les embrigader, les maintient sous leur pouvoir.

Le péché est derrière l’autel, encore une fois…

Il y a soixante ans, nous avancions enfin vers la lumière. Nous avons vaincu l’ignorance et recouvré la liberté. Aujourd’hui, une frange de la société n’écoutant que leurs gourous s’enfonce lentement dans l’obscurantisme et l’ignorance, invoquant cette même liberté. Je n’aurais jamais cru qu’on en revienne, quelque soixante années plus tard, à cette noirceur, à ces œillères qui rapetissent la perspective.

Nous, à l’époque, sommes montés aux barricades pour avoir accès à la connaissance; les négationnistes en érigent maintenant pour retourner dans l’ignorance. Misère!