Les « saints lieux » au Québec

Les « saints lieux » au Québec

lun, 31/01/2022 - 14:29
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Sur les 1108 municipalités du Québec, plus de la moitié portent des noms à consonnance religieuse. Parmi ces dernières, cinq cents commencent par « St- ou Ste- », vingt-sept par « Notre-Dame » et vingt-huit du genre « L’Épiphanie ».

Michel Dahan, doctorant en histoire, fait remarquer que si les cartes routières du Québec ressemblent aux anciens calendriers catholiques (un saint à chaque jour), c’est à cause de l’histoire municipale. « Au Québec, les municipalités sont incorporées au 19ème siècle, à partir de 1845 », rappelle-t-il. L’Acte des municipalités, l’ancêtre direct du Code municipal, est adopté en 1855.

Ce système, proposé par Louis-Hippolyte-Lafontaine, prévoit que toutes les paroisses doivent être incorporées en municipalités. C’est pourquoi certaines paroisses, entités catholiques portant déjà un nom de saint, préfèrent garder ce patronyme et deviennent par exemple « St-Denis de la Bouteillerie » ou encore « Ste-Euphémie de la Rivière-du-Sud ». Des noms de saints sont restés parce que « le pourcentage de la population anticléricale au Québec a toujours été faible, et ce même pendant la révolution tranquille », note l’historien.

Chez-nous, la paroisse Notre-Dame-de-la-Merci de Palmarolle est devenue la Municipalité de Palmarolle. Cependant, Ste-Germaine-Boulé a préféré garder le patronyme de la paroisse.

Quant aux prénoms atypiques des saints et saintes, il y a aussi une raison. Michel Dahan travaille spécifiquement sur la circulation des reliques importées d’Europe jusqu’au Canada. Et justement, tout est lié. « Au Québec, il n’y a avait pas de saints locaux avant les premières canonisations vers 1930. Alors les paroisses ont fait venir des reliques d’Europe », nous apprend-il.

Or il était difficile de se procurer les reliques des saints les plus connus. Alors le Québec a plutôt « importé » celles des premiers chrétiens martyrs, plus faciles à acquérir car trouvées dans les catacombes. Par exemple, en 1845, on fait venir directement de Rome les reliques de Saint-Zotique, qui donnera son nom à la municipalité, et même après, à une célèbre rue de Montréal.

Quelques noms sont superlativement religieux. Prenons par exemple les municipalités de « Très-Saint-Sacrement » et « Très-Saint-Rédempteur » en Montérégie, ce qui leur accole ce gentilé : Sacrementois.e et Rédempteurois.e. Et que dire de « L’Ascension-de-Notre-Seigneur » au Saguenay-Lac St-Jean dont on n’a pas encore trouvé de gentilé.

D’autres noms donneraient à penser que « La Conception » et « L’annonciation » de la Vierge se seraient produits dans les Laurentides... Et celui-ci, redondant : « Ste-Madeleine de la Rivière-Madeleine » en Gaspésie.

Et Piopolis, ça vous dit quelque chose? Ce village près de Mégantic n’a, à première vue, aucune consonnance religieuse. Or savez-vous que ce nom origine du Vatican? Piopolis est fondé le 18 avril 1871 par des zouaves pontificaux (les gardes Suisses) émigrés au Québec à la suite de révoltes contre le pape Pie IX. Le nom est issu de deux mots, l’un latin et l’autre grec. Pio signifie pape et polis, ville. Traduction : Ville des papes.

Par ailleurs, il y a des noms de lieux qui font sourire. Messieurs vous pouvez vous soulager dans la rue de la Branlette à St-Jean-Port-Joli. On peut se tremper l’arrière-train à L’Anse à Mouille-Cul au Bic et grimper au lac J’en-Peux-Plus, juché haut dans les Laurentides.

À Toulouse, en France, vous pouvez arpenter, en vous pinçant le nez, le Chemin de Lanusse dans le quartier des Trois-Cocus. Toujours en France, vous pouvez visiter la commune de Montcuq ainsi que celle de Condom. Et saviez-vous qu’une « verge » avait été canonisée? Moi non plus! En effet, on trouve dans le département des Deux-Sèvres, en France, la petite commune de Sainte-Verge

Ces quelques cinq-cents cinquante-cinq noms religieux de municipalités au Québec nous rappellent notre passé où tous les aspects de la société étaient dominés par l’Église catholique. Il n’en demeure pas moins que plus de la moitié des 1108 municipalités du Québec se sont, pour l’heure, affranchies de ce lien.