Mon humble avis … sur la DPJ

Mon humble avis … sur la DPJ

lun, 25/11/2019 - 10:23
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La protection des enfants par la société ne date pas d’hier. Bien avant la mise en place de la Loi sur la Protection de la Jeunesse (LPJ), la prise en charge des enfants vulnérables a été faite par le clergé et les communautés religieuses.

Puis, à la fin des années soixante-dix, le Québec, société différente et novatrice, offre à ses enfants une politique familiale exceptionnelle avec la LPJ. Déjà, le Québec était à l’avant plan en matière de politiques sociales et surtout familiales. En fait, cette loi a été adoptée l’année de ma naissance pour être appliquée en 1979. Une loi qui a aussi inspiré bien des législations étrangères. Peuple québécois, soyons fiers!

Cette loi, a grandi, tout comme les enfants du Québec qu’elle a tenté de protéger du mieux qu’elle a pu. Tout comme un enfant, elle a eu de belles expériences, mais aussi malheureusement de moins bonnes. Au fil du temps, elle tente de s’améliorer, s’adapter aux changements de la société. Cette loi a vécu des transformations afin de mieux répondre aux enjeux de société, tout en maintenant ses fondements qui sont la protection des enfants Tout comme un enfant, cette loi est aussi la responsabilité de la société. Le texte de loi qui la défini inclus un système juridique, un système de services sociaux, les familles et la responsabilité première des enfants revenant… aux parents.

Cette loi a un bel âge… à peu près le mien. Nous avons grandi sans nous connaître car ma famille n’a pas eu à composer avec de grands drames. Mes parents avaient les compétences et capacités parentales requises pour bien prendre soin du noyau familial. Je suis issue d’une famille tissée serrée et aimante. J’ai aussi eu la santé physique et mentale et de bons amis. J’ai évolué sans avoir à connaître la LPJ. Puis, mes études terminées, nos routes se sont croisés, tout comme de nouveaux amis qui se rencontrent. Mon amie Nadia m’a présenté le travail en CPEJ (Centre de Protection Enfance Jeunesse) à l’époque. Moi et ce travail avons appris à nous connaître et j’ai été sous le charme de la protection de la jeunesse (PJ). Ainsi, mes interventions en Centre Jeunesse avaient pour objectif de protéger les enfants. Une sorte d’œuvre d’art de l’intervention auprès des familles. Il faut avoir du doigté pour confronter des réalités, partager aux parents notre vision de la protection alors que bien des fois, ces parents n’ont pas eu l’opportunité d’avoir des bases solides. Un mélange de couleurs s’effectue afin de tenter de dresser un tableau. Il nous faut aussi choisir un cadre d’intervention qui fera du sens à notre tableau de couleurs différentes. Le processus d’application de cet art est bien structuré et plusieurs médiums doivent à mis à contribution. Les pinceaux, type de toile, couleur à l’acrylique ou à huile sont transformés part le processus d’intervention en LPJ : la réception et traitement du signalement, l’évaluation et l’orientation du dossier, l’application des mesures soit par l’entente sur des mesures volontaires ou judiciaires, la révision des situations. L’objectif de cette démarche : la fermeture du dossier car il signifie que les enfants sont à présent protégés. Toutefois, cet objectif n’est pas toujours atteint, car de nombreux dossiers sont parsemés de circonstances souvent complexes et les drames sont partie prenante du travail à la Direction de la Protection de la Jeunesse (DPJ). Des enfants reçoivent alors des services pendant de nombreuses années.

Une œuvre d’art a aussi son processus bien à elle pour devenir ce qu’elle est. Beaucoup de travail est fait avant d’en arriver au vernissage. Il en est de même pour la protection des enfants et l’intervenant seul ne peut y parvenir. Il a besoin du support de la famille, les services scolaires, le secteur de la santé et des services sociaux, etc ...

Ce support va au-delà des professionnels. La communauté a aussi sa part de responsabilité. L’entraide est de mise pour accompagner les enfants, parents et familles vers l’amélioration de compétences et capacités parentales. Il faut souvent faire différemment pour apporter un changement et là, la réalité régionale est particulière. Certes, nous ne pouvons avoir la même gamme de service que dans les grandes régions mais nous avons la proximité des milieux et le cœur « à la bonne place » de bien des personnes pour compléter cet écart. Ici, nous savons bien faire autrement.

La DPJ a été mon quotidien de travail pendant une vingtaine d’année. Nous avons appris à nous connaître et à nous apprivoiser. Comme toute relation, celle-ci n’a pas toujours été simple. La protection des enfants passe par la LPJ qui est un cadre précis des interventions à poser. Il faut bien la cerner. Le travail ne peut se faire seul. Alors, il faut connaitre les services disponibles tant du réseau, du communautaire que de la famille. Je ne fais pas exception à bien de mes anciens collègues. J’ai été régulièrement confronté à la question : maintien dans le milieu familial ou placement dans un autre milieu. La critique sur cette décision peut être facile mais, la décision complexifie le sommeil. En fait, toutes les décisions doivent être prises dans l’intérêt de l’enfant, mais doivent à la fois tendre à maintenir l’enfant dans le milieu familial (article 4 de la LPJ). Dans certaines situations, la décision en revient à un juge de la Cour du Québec, chambre de la jeunesse. L’intervenant social doit être fin prêt à présenter les faits ainsi que son analyse qui explique ses recommandations au tribunal. C’est une partie du travail spécifique en protection de la jeunesse.

Camil Bouchard, psychologue et chercheur, a passé la majeure partie de sa vie à étudier cette loi et ses impacts. Dans un récent article, j’ai lu certaines de ses réflexions. Il en précise une que nous devons tous nous poser : « Comment se fait-il qu’on ne soit pas capables d’intervenir de façon convaincante auprès des familles et de les aider ? Plutôt que d’essayer de faire en sorte qu’ils se rattrapent une fois que la situation est complètement décomposée? » En fait, il est de mise de préciser que la DPJ intervient avec la LPJ dans des situations exceptionnelles, situations qui sont à la hausse depuis de nombreuses années. Comment se fait-il que comme société novatrice, nous ne soyons en mesure de supporter les parents avant que la situation des familles arrive à l’urgence. En fait, la DPJ, c’est la salle d’urgence en services sociaux pour NOS enfants du Québec.

À mon humble avis, les familles ayant des difficultés sont une responsabilité collective et nous pouvons tous y contribuer à différents égards. Il nous faut observer pour dépister et supporter les plus vulnérables AVEC le soutien de la communauté. C’est possible grâce au dépistage des problématiques chez les tout petits et leur famille, au programme Ma famille Ma communauté, aux initiatives locales. Car, selon l’enquête québécoise sur le développement des enfants à la maternelle (EQDEM), en 2017, 37% des enfants de l’Abitibi-Ouest étaient vulnérables dans au moins une des cinq sphères de leur développement. Le comparatif au Québec est de 27,7% et régionalement de 26%. Pour que les professionnels des services sociaux puissent intervenir, le regard et l’appui de la communauté sont de mise.

Je vois d’un bon œil la commissions d’enquête, en autant que le travail de cette commission ait une vision large sur le processus d’intervention auprès des familles en difficultés. Des experts partageront sur le processus d’intervention en LPJ. Il faut aussi préciser que le manque d’effectif dans ce secteur, comme plusieurs autres des services sociaux, occasionnent des dommages collatéraux. Il faut avoir en tête que le manque d’effectifs et l’augmentation des signalements depuis plusieurs années occasionnent un stress supplémentaire sur le système de protection. Les cas en « salles d’urgence des services sociaux à l’enfance » ne cessent d’augmenter (en référence ici aux enfants pris en charge par le DPJ).

Des investissements ont été faits dernièrement au Québec pour la DPJ. C’est un pas vers de possibles solutions. Il faut aussi mettre à l’avant plan, tel que cité en page 5 du bilan des DPJ et DP de 2019 disponible sur internet :

« La protection des enfants passe d’abord et avant tout par un soutien précoce et adéquat offert aux parents dans la résolution de leurs difficultés personnelles et dans l’exercice de leurs responsabilités parentales. Par conséquent, il est primordial que l’accessibilité à une gamme de services diversifiés et adaptés soit facilitée partout au Québec. Il faut pouvoir répondre rapidement aux besoins d’aide des familles et être en mesure de les soutenir efficacement. Plus tôt celles-ci recevront l’aide requise, plus grande est la probabilité que les enfants soient mis à l’abri de la maltraitance. Dans ce domaine, la prévention est primordiale ! À cet égard, des améliorations importantes sont nécessaires ».

Comme il est possible de le constater, la protection des enfants ne passe pas que par la DPJ mais bien par un système de santé et de services sociaux qui est un atout important. Sur la page internet de touspourlestoutpetits.com, qui a pour cause que les enfants devraient avoir les mêmes chances de se développer pleinement, il est possible d’y lire des recommandations intéressantes afin de permettre aux enfants de se réaliser : services de garde éducatifs de qualité et accessibles, des lieux publics sécuritaires pour apprendre et s’amuser, des soins de santé adaptés et accessibles à tous, un accompagnement dès la grossesse, des mesures collectives pour faciliter la conciliation famille-travail, un logements accessible et adéquat où grandir en toute sécurité.
 

Protéger les enfants et en assurer un bon potentiel de développement n’est pas simple pour une société. Bien que le fardeau en revienne à la DPJ, nous avons aussi comme citoyen un rôle à jouer. Prendre soin des uns et des autres, supporter des parents dans le besoin par des gestes simples, être ouvert à accueillir la détresse de l’autre et le référer aux services et bien entendu, signaler la situation d’un enfant dans le besoin.

À présent, je ne travaille plus directement à la DPJ. Je l'assume, je suis une intervenante de ces 22 qui ont quitté depuis l’an dernier. En mars 2019, j'ai vécu ma dernière journée «formelle» au sein du programme jeunesse. Je salue et remercie le cœur au ventre de mon équipe et celles des autres en région. Ces équipes qui offrent le meilleur d’elles même pour aider et supporter des familles en besoin d'aide, voire jusqu'à la détresse. J’ai travaillé avec des enfants, adolescents et parents du meilleur que j’ai pu. J’espère leur avoir apporter autant que j’ai reçu d’eux.

Le type de travail que j'ai accompli fait très peu souvent les manchettes pour ses bons coups. Pourtant, des progrès dans les familles vulnérables, il y en a. Des enfants remplis de résilience, il y en a. Des enfants qui réussissent à concrétiser leurs projets personnels malgré les embûches, il y en a aussi. De bons parents à la DPJ, il y en a. L'intervention sociale auprès des familles en difficultés, ce n'est pas simple. Les problématiques chez les adolescents changent elles aussi et causent des tracas à bien des parents.  Toutefois, il y a fréquemment de l'espoir auquel il faut être en mesure de s'accrocher pour qu'elle devienne réalité. Après 20 ans dans ce milieu, je suis arrivée à une étape de ma vie professionnelle où il m'est possible de constater bon nombre de réussites. C'est toujours un plaisir d'entendre le récit de certains et surtout de constater leur victoire. Il faut préciser que personne n’est à l’abri dans sa vie de vivre un moment difficile. Les services offerts à la famille touchent toutes les sphères d’une société. Avoir besoin de support et d’aide est possible pour tous.

Dorénavant j’agis à titre de collaboratrice. Je tente et tenterai de faire de mon mieux dans ma position actuelle afin de soutenir le travail à la DPJ et éviter certaines situations. Le travail de collaboration est important pour nos familles. Certes, le travail en milieu jeunesse est exigeant et il me manquera. Évidemment, des gens de cœur (collègues, direction et clientèle) m’ont forgée comme professionnelle et je les remercie tous. Je poursuis mon voyage professionnel d’une autre façon.

L'intervention sociale est souvent «diluée» dans la panoplie des services offerts dans notre système de santé et de services sociaux. Ce texte se veut simplement une reconnaissance et une valorisation de l'intervention sociale au sein de notre société. Celle de la DPJ fait peu souvent les manchettes pour les bonnes actions, mise à part durant la période des fêtes. La Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse a débuté. Certes, des constats et améliorations seront mis de l’avant. Lorsque vous entendrez les différents commentaires, je souhaite que vous puissiez aussi mettre en contexte certaines notions de ce travail. La protection des enfants c’est en fait … l’affaire de tous.

Vous êtes de ceux et celles qui souhaitent en savoir plus sur le rôle d’une famille d’accueil (jeunesse, adulte) voici le numéro de téléphone : 819-762-2848.

Bien entendu mon expérience de travail a été la principale source de ce texte mais …

 

http://www.bibliotheque.assnat.qc.ca/fr/en-bref-notes-d-information-de-la-bibliotheque/4784-le-systeme-de-protection-de-la-jeunesse-au-quebec

https://www.lapresse.ca/actualites/201910/26/01-5247107-commission-denquete-sur-la-dpj-avec-ses-parents-a-tout-prix-/

https://www.ledevoir.com/societe/565335/commission-sur-les-droits-des-enfants-on-a-failli-comme-societe-dit-regine-laurent

https://ici.radio-canada.ca/tele/enquete/site (reportage du 14 novembre 2019)

http://agirtot.org/

http://agirtot.org/actualites/2019/diffusion-des-resultats-de-l-eqdem-en-abitibi-temiscamingue/

https://www.cisss-at.gouv.qc.ca/ma-famille-ma-communaute/

touspourlestoutpetit.com