Le curé Halde, l’administrateur patient

Le curé Halde, l’administrateur patient

jeu, 27/10/2022 - 15:44
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Appréciée à la lumière de 1947, la lenteur constatée dans l’organisation matérielle de Notre-Dame de la Merci peut paraître exagérée à certains. Elle a été difficile à pratiquer à certains moments en Abitibi, surtout à l’époque où Palmarolle et d’autres noyaux naissaient à la vie paroissiale.

Les colonies organisées le long de la voie ferrée, de 1920 à 1926, étaient allées assez rondement dans leur organisation matérielle. C’était bien le cas pour les paroisses s’étendant de Senneterre à La Reine. Région nouvelle, certes l’Abitibi doit se développer rapidement sans suivre, souvent, les sentiers battus. C’était, semble-t-il, l’idée qu’entretenait pour sa part le ministère des Terres et Forêts quand, en 1919, il délimitait deux cents acres de terre pour la future ville de Palmarolle. Notons en passant que le terrain de l’église sera patenté en 1928 tandis que la terre de la Fabrique le sera en 1935.

A la lumière de ce qui précède on se rend compte que prêcher la lenteur, ou plus exactement, tenir compte du facteur temps et circonstances dans l’organisation d’une jeune paroisse, de 1926 à 1930, c’est préconiser une doctrine nouvelle, qui eut été facilement acceptée dans un milieu de cultivateurs du bas de la province mais qui l’est beaucoup moins en Abitibi avec une classe de gens dont la majorité ne risque rien parce qu’elle n’a rien à perdre.

Si l’autorité civile voulut faire vite et grand, l’autorité religieuse se montra plus circonspecte, surtout à l’accession de Mgr Rhéaume au siège épiscopal d’Haileybury. Dans le rapport de sa première visite pastorale, les 23 et 24 juin 1927, l’évêque félicite les paroissiens de Notre-Dame d’avoir fourni le bois pour un modeste presbytère. De fait, de tous les presbytères qui se dressent alors en Abitibi, celui de Palmarolle est le plus exigu, à une ou deux exceptions près. Dans une organisation dont la permanence est assurée, qu’est-ce qu’une attente de quelques années pour loger grandement le curé ? se dit justement l’abbé Halde; il vaut bien la peine de patienter pour permettre d’asseoir une institution sur des bases solides et durables.

Le soin que le curé-colon met à bâtir convenablement, mais lentement et sobrement, sans se laisser distraire par ce qui peut être la mode ailleurs, explique les nombreuses résolutions de Fabrique contenues aux archives de Palmarolle. Chaque année, et parfois deux fois l’an, les marguilliers sollicitent l’autorisation de dépenser de petites sommes pour continuer le travail commencé. On peut procéder de la sorte sans risque de perdre de l’argent, sans nuire non plus à la dignité des cérémonies liturgiques. La propreté, non la richesse, tel est le motto-conducteur du curé de Palmarolle.

Et l’expérience prouve davantage d’une année à l’autre l’excellence de cette manière d’agir. Nous avons dit dans notre entrée en matière que l’abbé Ephrem Halde est un économiste. Sa théorie en vaut d’autres et nous prenons plaisir à l’exposer en détail. Le curé de Palmarolle en tient pour des constructions définitives assises sur des bases solides mais développées à l’échelle des moyens pécuniaires des colons. A maintes reprises il s’assure d’avance la finance pour ses entreprises car, règle générale, estime-t-il, il est moins onéreux de donner, même largement, pour un bien que l’on désire que de verser, fut-ce sur une base minime, les intérêts d’un capital investi pour des améliorations qui, au moment où on se les donnait, ne correspondaient pas toujours aux goûts ni aux moyens, parfois.

Si à douze ou quinze ans de distance l’on compare deux paroisses qui ont débuté ensemble, l’une lentement mais avec progrès constant et l’autre rapidement mais avec des dettes qui l’ont ensuite forcée de marquer le pas, l’on constate que la première est beaucoup plus avancée et peut, après quinze ans, continuer dans la voie du progrès tandis que sa rivale ira beaucoup moins vite à cause de son lourd fardeau qui l’oblige à verser deux fois sinon trois pour les mêmes améliorations, le capital que la première ne déboursera qu’une fois par sa manière de procéder.

Telle est, brièvement exposée, la théorie du curé Ephrem Halde sur la manière de lancer l’organisation d’une paroisse de colonisation.

Source : Gérard Ouellet, Hier à Palmarolle