De colon à cultivateur prospère : Damasse Bégin (suite et fin)

De colon à cultivateur prospère : Damasse Bégin (suite et fin)

mer, 26/01/2022 - 19:28
Posted in:
1 comment

Causons maintenant avec M. Damase Bégin lui-même. Le pionnier de Palmarolle a blanchi depuis 1921, mais il est resté droit. C’est un homme solide qui fait toujours sa grosse journée d’ouvrage et qui n’a d’émule que sa valeureuse compagne. Nous le rencontrons chez sa fille Flora, femme de M. Arthur Lapointe. En dépit du froid vif de ce début de février, il s’est rendu à La Sarre après dîner et reste au village pour l’assemblée que tiendront le soir les sociétaires de la beurrerie coopérative.

— Vous ne regrettez pas votre coup ? lui demandons-nous.

— Ah! non, fait l’ancien colon.

— Moi non plus, reprend vivement sa fille qui vaque au soin du ménage dans la vaste cuisine de sa confortable maison neuve.

Et M. Bégin de continuer: « Je calcule que je n’aurais jamais fait aussi bien « en bas ». La terre est ici meilleure et nous ne butons pas sur les roches. J’avoue cependant qu’il fallait en avoir envie pour s’établir ici quand j’y suis venu. Dans les débuts j’ai vécu avec l’argent que j’avais emprunté. Il n’y avait pas à en sortir: le bois ne se vendait point. »

Certes M. Bégin n’a pas à regretter son coup. Dès qu’il y eut un marché pour le bois, le nouveau colon se tira d’affaire. Tout en accordant le soin voulu à la mise en culture de ses lots, il ne négligea aucun moyen de s’assurer d’autres sources de revenus. C’est ainsi que pendant un temps il eut sa propre embarcation « le Bégin à palettes » pour transporter ses effets de La Sarre à Palmarolle et vice-versa; à l’occasion il prenait aussi des passagers. Son frère, Joseph, exploita pendant quelques années une entreprise similaire, jusqu’à ce que la route permît le voiturage par camion. M. Bégin est aujourd’hui un cultivateur accompli. Lauréat de la médaille d’argent du Mérite agricole depuis 1929, il possède une ferme que lui envieraient maints résidants de nos vieilles paroisses. Son troupeau de vingt-trois bêtes à cornes lui donne un gros rendement. Ses produits, il les vend dans les centres miniers, par l’entremise de la beurrerie coopérative dont il est un pilier.

Le pionnier de 1921 est maintenant engagé dans une heureuse vieillesse sur le bien où son fils cadet, Marie-Louis, continue la lignée du défricheur. En face de chez lui, son autre fils, Émilien, réussit bien sur la terre tout en ayant beaucoup de fers au feu.

Et Mme Arthur Lapointe, fille de M. Bégin, dirige de son côté, avec son mari, une exploitation agricole prospère, en plus d’être un exemple aux fermières de sa région. La vie de cette femme courageuse vaudrait aussi d’être publiée.

Et voilà brièvement racontée, l’histoire de Damase Bégin, ce colon authentique qui, s’il l’eût voulu, eût été maire de sa municipalité, mais qui se contenta d’être marguillier de sa paroisse et le premier président de la Commission scolaire. Cet homme-là, nous y insistons, apportait en Abitibi, comme richesse, son courage, ses bras vigoureux et une famille nombreuse. Les malheurs purent s’abattre sur lui, ainsi quand, à un an d’intervalle, il perdit deux fils dans la fleur de l’âge, mais les malheurs ne l’abattirent pas et il eut des compensations. Chef d’une belle famille canadienne-française, cet ancien défricheur avait, en août 1944, la consolation de voir son fils aîné chargé par l’honorable Maurice Duplessis, de la tâche de diriger les destinées de l’établissement en pays neufs. En février 1947, Elphège, un autre de ses fils, était élu maire de sa municipalité du Cap-Rouge.

Mais le titre auquel Damase Bégin tient davantage, croyons-nous, c’est encore d’avoir été le premier colon de Palmarolle à se classer comme véritable cultivateur. La terre a rendu au centuple l’attachement que lui a porté ce terrien qui, à 43 ans et père de douze enfants, n’a pas craint de quitter un milieu auquel le rattachaient toutes les fibres de son être pour s’enfoncer en pays neuf et lointain, où la saison d’été est courte, sans doute, mais où, cependant, suivant l’expression même des pionniers, il fait bon pour « un gars d’en bas » de piquer sa hache dans le sol sans qu’elle en ressorte le taillant ébréché.

Mais l’histoire de la paroisse elle-même de Notre-Dame de Palmarolle n’est pas moins attachante que celle de ce fondateur. Le fait que nous avons pris celui-là comme type n’enlève rien au mérite de ses coparoissiens. Ces vaillants, venus de Dorchester, L’Islet, Bellechasse et Frontenac, pour la plupart, furent à la hauteur de la noble tâche qu’ils avaient librement assumée.

Fin.