Napoléon Caron et le curé Halde : deux têtes fortes

Napoléon Caron et le curé Halde : deux têtes fortes

sam, 24/04/2021 - 08:54
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Lorsque le curé Halde est nommé à Palmarolle, le 30 juin 1926, une levée de fonds est lancée pour ériger une chapelle. On demande 50 dollars à un coupeur de bois et 25 dollars à un futur cultivateur.

Napoléon Caron s’apprête à faire scier chez Héras Richard huit mille pieds de bois, bûché l’hiver précédant, pour enfin se bâtir une vraie maison et une étable. On lui demande cinq mille pieds de bois pour sa contribution à la chapelle, l’équivalent de… 75 dollars. Napoléon se questionne. Il ne sait pas écrire le mot injustice mais il le comprend.

Dans ces temps-là, la religion a préséance sur tout le reste et la pauvreté est, selon le clergé, une « grande vertu ». Même s’il se sait victime d’une injustice, Napoléon acquiesce et paye. Il voit s’envoler son rêve d’avoir enfin sa maison. Il courbe l’échine et remet ça à plus tard. Ses planches vont abriter les paroissiens une fois semaine plutôt que sa famille à tous les soirs…

« Pourquoi pas une, une seule justice pour tous? Napoléon va se rappeler de ce petit groupe dominant du village qui se croit fin et charitable mais…il faut pardonner, la rancune ne donnera rien », nous rappelle son fils Roger dans son autobiographie.   

Plus tard, le curé Halde loue le terrain au bord de la rivière. Ce terrain borne le lot de Napoléon. Un contracteur de l’Abitibi Power aurait obtenu l’autorisation du curé pour faire pacager ses 25 chevaux sur ce terrain. Les lots contigus n’étant pas clôturés, les chevaux auraient tout mangé les quatre acres de beau foin que Napoléon réservait pour sa vache.

Selon Roger Caron, son père parle de cela au curé. Napoléon lui aurait dit : « On va faire des embarras demain. » Le lendemain, il se rend chez le curé avec Roger. Le curé lui dit : « C’est à toi de faire la clôture parce qu’il n’y aura pas de chemin ici. En plus de cela, toi tu vas t’en aller ailleurs ». Napoléon répond du tac au tac: « Je suis arrivé à Palmarolle avant vous et je vais partir après vous ». Ils se seraient dit des gros mots à ce moment-là.

Dès lors, Napoléon ne va plus à la messe. Sa famille a de la peine. Il va faire ses Pâques à Ste-Claire. Il « part à pied le matin très tôt sans manger, il se confesse et communie. Il y a encore de la foi dans son cœur, » souligne son fils Roger.

À la suite de ces événements, Roger est pris à partie à l’école. Les enfants lui lancent l’insulte suprême: « Tu es protestant et ton père aussi ». Roger, voulant défendre son père, leur tape dessus et se fait ensuite battre par la maitresse. En 3e année, il commence à haïr l’école.

Un peu plus tard, il y a une retraite avec des frères Rédemptoristes. Roger convainc son père d’y assister avec lui. Et le dimanche suivant Napoléon se pointe enfin à la messe à Palmarolle. Encore une fois, le curé Halde « ne l’a pas manqué. Il parla des gars qui allaient à la messe seulement le temps de la retraite. Cela a été fini entre eux pour encore un bon bout de temps ».

Pour Roger, ça ne va pas mieux à l’école. Il se bat pour se défendre des insultes dont on l’assaille. La maitresse n’en vient pas à bout et suggère même de le faire battre par le curé. Roger, découragé, se résigne : « Je sais lire, écrire et compter ». Et à l’âge de 10 ans, il abandonne l’école.