Nos gymnases d’autrefois

Nos gymnases d’autrefois

jeu, 28/11/2019 - 14:01
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Malgré mon âge respectable, je suis encore capable et intéressé à aller fouiner sur des sites comme Facebook, YouTube, etc. Depuis quelque temps, on nous offre une panoplie de photos de vieilles granges, certaines encore debout et fières, d’autres avachies, prêtes à s’écrouler.

Moi, le vieux Grincheux, ça me rappelle mes jeux d’enfant. Ces granges, c’était nos gymnases à l’époque où on ne savait même pas ce que signifiait ce mot. On s’y retrouvait en gang où chacun avait un rôle de héros imaginaire. On fonctionnait selon le principe du « té pas game! », cette expression étant l’élément déclencheur de toutes les prouesses et de tous les défis à relever.

Les gymnases de nos écoles modernes sont équipés d’une foule d’appareils tels : poutres, trampolines,  trapèzes, anneaux, barres parallèles, barres fixes, matelas, etc. Eh bien, on possédait tout cet attirail dans nos granges. Pour la discipline de la poutre, il n’y avait pas de problème, nos granges étaient traversées par d’immenses poutres faites de troncs d’arbres équarris de plus de huit mètres. Cependant, plutôt que d’être à un demi-mètre du sol, elles étaient juchées à plus de quatre mètres. Quand on se décidait à l’emprunter, il fallait la « marcher » d’un mur à l’autre. Pas question d’abandonner à mi-chemin, cela aurait trahi notre engagement à relever le défi, après avoir répondu : « oui » ou « té pas game! » lancé par l’un des braves de la troupe. Il fallait compter sur le foin et la paille accumulés au plancher pour remplacer les matelas en cas de chute.

Quant aux anneaux, le câble de la fourche à foin dans lequel on faisait une boucle en était un bon suppléant. Il nous permettait aussi de jouer à Tarzan en se balançant au bout d’une liane et lançant son célèbre cri. Parfois même, c’était la fourche à foin qu’on utilisait comme trapèze après y avoir ajouté un gros goujon de bois transversal nous permettant de s’y accrocher les mains, les jambes et même les pieds.

Eh non, nous n’avions pas de trampoline, mais des balançoires fabriquées en corde à balles; elles nous permettaient de faire le saut de la mort. Cela consistait à se laisser tomber alors qu’on atteignait la hauteur maximale de l’oscillation. Il fallait sans faute tomber debout en courant, sinon c’était les contusions ou les saignements de nez.

Parfois, nous avions la chance qu’un animal se retrouve dans la grange après s’être échappé de l’étable. Ça c’était l’aubaine! On pouvait pratiquer le rodéo à califourchon sur le dos d’un veau, d’une vache, voire d’une grosse truie. Et, bien sûr, le défi comme dans les vrais rodéos était d’éviter de se faire désarçonner. Cela remplaçait avantageusement le cheval d’arçon, cet agrès à l’usage des gymnastes masculins.

Nous n’avions pas besoin du tremplin pour exécuter des sauts périlleux. On n’avait qu’à se laisser choir du faîte de la grange pour atterrir sur une veilloche de foin que l’on avait entassé au point prévu de la chute. Le cascadeur avait donc avantage à participer à la confection de cette meule de foin s’il tenait à la vie.

Nos jeux n’exigeaient pas toujours une grosse dose de courage. La cachette, la « battecan » étaient souvent au menu, surtout quand on se retrouvait dix ou quinze garçons turbulents dans le même parc d’amusement. L’un de nos jeux les plus sécuritaires, appelé « concours de pisse », consistait à faire pipi du haut du fenil et à tenter de projeter le liquide le plus loin possible, tout en lui permettant de décrire une belle arabesque dorée. Et le comble de la réussite, c’était de diriger ce jet dehors sur le nez du taureau à travers une fente du mur. Ce dernier, j’ignore encore pourquoi, exécutait la plus belle grimace animale en se relevant la tête et en remontant sa lèvre supérieure de même que son nez. C’était à chaque fois un grand éclat de rire de tous les spectateurs.

Comme vieux Grincheux je pourrais terminer par ce cliché tant de fois répété par des gens de ma génération : «Nous autres, dans notre temps, on savait s’amuser, c’est pas comme les jeunes d’asteure qui font juste pitonner sur leur téléphone.» Mais non, je ne dirai pas cette phrase assassine. D’abord, ces granges n’existent plus et les jeunes d’asteure feront bien ce qu’ils veulent, moi je suis maintenant HORS JEU... autant pour les cascades dans les granges que pour tous les jeux de clavier.