Retour en Minganie

Retour en Minganie

mar, 29/03/2022 - 08:11
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Il y a de cela 20 ans au moins, me tombait sous la main un livre très particulier, au titre évocateur : Chroniques de chasse d’un Montagnais de Mingan, par Serge Bouchard, Québec : ministère des Affaires culturelles, 1977. Publié à l’origine dans la collection : Civilisations du Québec : série cultures amérindiennes.

J’avais oublié le nom de son auteur, mais je n’avais jamais oublié l’effet, l’impact que ce livre a eu sur moi. Avant la lecture, je n’avais qu’une vague idée de la culture, de la nature du peuple Innu. Les deux premiers tiers du livre m’étaient donc apparus lourds, fastidieux, redondants. Je me sentais loin de chez moi, loin de mes préoccupations quotidiennes, perdue dans un monde qui m’était étranger et complètement déboussolée. D’autant plus que les références toponymiques abondantes et répétitives, citées dans la langue Innu, ne parvenaient pas à me situer géographiquement. Un vrai choc culturel

Si le livre m’était tombé des mains pendant que je lisais, si j’avais abandonné, à cause de mon impatience, de mon inaptitude à saisir la pertinence des propos de ce Montagnais alors âgé de plus de 80 ans, que je suivais avec peine dans le récit de ses péripéties, je serais passée à côté de quelque chose de précieux pour ma compréhension du vaste univers dont les Premières Nations étaient imprégnées à l’époque du récit de ce sage, et peut-être encore aujourd’hui pour la plupart d’entre elles.

J’ai persisté dans ma lecture. Quelque chose me disait que les longueurs, l’évocation des longues distances parcourues par ce chasseur montagnais jour après jour, d’un soleil à l’autre, la précarité ressentie par moi comme inquiétante, l’isolement, la solitude, la faim, l’obligation pour lui et les siens de devoir tuer, encore tuer, toujours tuer pour assurer sa subsistance et celle des siens, toute cette atmosphère de misèrerien n’était décrit en long et en large pour rien. Tout avait un sens et j’allais le découvrir dans le dernier tiers.

Après, la lecture terminée, il en était tout autrement de mon inaptitude car, de fait, loin du sentiment d’avoir perdu mon temps, ce fut la révélation, l’épiphanie. Enfin, je comprenais les tenants et les aboutissants de ce déploiement incessant d’énergie, de courage, d’abnégation, de combativité, de lutte pour la survie, de confiance en ses capacités, de dépassement de soi et de retour quotidien à l’essentiel.

Ce cadeau qui m’était fait d’être touchée par la grâce parce qu’enfin, je saisissais l’ampleur des compétences et du savoir-faire de ce chasseur Innu, mises chaque jour à rude épreuve par son souci de la survie de sa famille, des siens, de tous ceux de sa race qui suivaient les mêmes sentiers que lui, depuis des millénaires peut-être, à la poursuite de troupeaux de caribous, sur des territoires sans frontières autres que celles déterminées par des ententes de bonne foi.  Il devait bien connaître physiquement ces territoires pour les avoir arpentés de sa jeunesse à sa vieillesse. Ce qui me fut offert donc, pour avoir cru qu’il valait la peine de poursuivre ma lecture, ne m’a jamais quittée. À cela, il y aurait une suite

Il y a quelques semaines, j’ai trouvé un livre similaire à la Bibliothèque municipale Richelieu de La Sarre, celui-là intitulé : Récits de Mathieu Mestokosho, chasseur innu, par Serge Bouchard, préface de Gérard Bouchard, 2e édition.