Hommage à ma grand-mère

Hommage à ma grand-mère

sam, 18/04/2020 - 06:47
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Ces derniers temps, notre mode de vie a été grandement chamboulé. Chacun tente de son mieux de composer avec cette réalité. Nous sommes tous confiné dans nos milieux de vie. Et si nous relativisions notre réalité avec d’autres vécues au Québec dans les années 50 ?

Je vous raconte ici l’histoire d’une belle dame d’une douceur et d’une tendresse inestimable. Derrière cette douceur, se cache une guerrière que bien des gens ne peuvent concevoir. C’est l’histoire de ma grand-mère maternelle, une histoire comme bien des femmes et hommes du Québec ont vécu autrefois. Notre belle « grand’ma Milie » ne nous a jamais parlé à nous ses petits-enfants de ses jours difficiles alors qu’elle avait contracté la tuberculose, cette maladie infectieuse qui a des similarités avec le coronavirus que nous combattons tous ensemble pour éviter la contagion. La bactérie de la tuberculose touchait habituellement les poumons causant ainsi une toux persistante, un épuisement chronique chez le patient atteint ainsi que d’autres symptômes. La transmission de l’infection se faisait par des gouttelettes de salive en suspension dans l’air au moment de la toux et des éternuements. N’est-ce pas là une grande similarité avec notre propre réalité?

À cette époque, le vocabulaire de la santé publique était bien différent. Il n’était pas question de distanciation sociale et de confinement. Ces mots n’étaient pas utilisés, mais la mise en place des Sanatoriums était le moyen de limiter la propagation par l’isolation des malades. En fait, les Sanatoriums étaient souvent situés sur des sites enchanteurs pour offrir le traitement basé sur la cure de l’air pur, le soleil et le repos. Ma grand-mère et sa sœur ainsi que plusieurs de leurs amies, avec qui elles avaient tissé des liens au Sanatorium de Macamic, ont eu la chance de pouvoir réintégrer leur famille, alors que d’autres ont vécu le Sanatorium comme un exil dont ils n’ont pu en ressortir.

Ma grand-mère a contracté la tuberculeuse alors qu'elle était jeune maman. Elle a dû faire des séjours prolongés loin des siens. Une alternance de séjours au Sanatorium de 18 mois, un congé de 7 mois et un autre séjour de 18 mois.

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Alors j’ai eu l’idée d’écrire ces quelques lignes afin de faire le parallèle entre nos vies et celles de générations avant nous, ma mère m’ayant partagé les écrits de ma grand-mère maternelle.

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Ce faisant, je salue le courage de ma grand-mère ainsi que de sa sœur, mais aussi celui de leurs nombreux enfants qui ont vécu les dommages collatéraux de cette maladie. Ma mère ainsi que certains de mes oncles et mes tantes se sont vu confiés aux autres membres de la famille afin de permettre à mon grand-père de poursuivre son travail et ainsi subvenir aux besoins de la famille alors que son épouse combattait la tuberculose au Sana, comme l’écrit ma grand-mère. Les familles Morin et Chabot ont accueilli à bras ouvert non seulement les enfants d’Amédée et d’Émilie, mais aussi ceux d’Émile et Lucie. Ces deux familles ont des vécus similaires dus à la tuberculose qui a volé la santé des deux femmes.

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En lisant les écrits de ma grand-mère, je réalise à quel point elle a été dure envers elle-même. Elle a fait preuve d’un grand courage en maintenant l’espoir d’un retour à la santé. Certes, elle s’en remettait beaucoup à Dieu. Toutefois, moi, petite-fille de cette grande dame, je considère que tout le crédit lui revient. Dire que pendant toutes ces années auprès d’elle, j’ai souvent omis de parler de toute l’adversité qu’elle a traversée. De plus, jamais au grand jamais je n’ai entendu ma grand-mère parler de cette période de façon négative. Elle parlait de ses amies au Sana avec lesquelles elle avait conservé de forts liens d’amitié.

Lorsque je me rends au CHSLD de Macamic, ma mémoire familiale me rappelle ce combat de ma grand-mère. L’espace vitrée de cet établissement me ramène à la vue ce que ma grand-mère a admiré et regardé pendant bien des années. Le lac Macamic a été le paysage qui a supporté le moral de bien des personnes confinées dans cet espace pour se reposer et guérir.

Alors, remettre en perspective le passé nous permet de relativiser nos propres conditions de confinement qui s’exercent en ce moment dans notre milieu de vie et près des nôtres. La grande majorité d’entre nous pouvons demeurer confortablement chez nous. Nous avons des moyens de communication qui nous permettent de nous voir la binette. Nous, qui sommes confinés à la maison, avons la santé et pouvons continuer de vaquer à nos occupations domestiques et de loisirs. Certains se sont découvert des talents culinaires et plusieurs visionnent des séries sur Netflix, bien enroulés dans une couverture.

Certes, ce changement bouscule nos vies. Il s’agit d’une mesure exceptionnelle dont nous n’avons jamais eu à être confrontés dans notre pays. Nous pourrons à nouveau le raconter à nos petits-enfants car je suis persuadée que tous ensembles, nous pourrons vaincre la contagion. Sachons bien le raconter … en se rappelant que nos aïeuls ont vécu pires expériences. Restons à la maison afin de protéger les aïeuls de nos enfants, de préserver nos ami-e-s qui travaillent au sein des établissements de la santé et des services sociaux. Achetons local afin d’encourager notre patelin et soyons forts pour que bientôt un semblant de vie dite normale réintègre nos vies.