La galette des Rois

La galette des Rois

mer, 02/01/2019 - 08:24
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La Fête des Rois, le 6 janvier, était la dernière des trois grandes rencontres familiales du temps des Fêtes, après Noël célébré chez-nous  et le Jour de l’An où on était reçu chez grand-père. Pour les Rois, nous n’avions qu’à traverser chez oncle Adrien et tante Claire, de l’autre côté de la route.

Le rituel de ces trois fêtes était toujours le même : musique, chants, danses pour les plus vieux et jeux de cachette et autres pour les jeunes. Et ce qui nous faisait saliver, c’était de voir les tablettes et la table crouler sous les victuailles de circonstance dont on avait droit, pour la plupart de ces mets, qu’au temps des Fêtes.

Aux effluves de toute cette bouffe se mêlait l’odeur âcre du tabac, la sueur des corps et les retours de fumée de la cuisinière à bois. Qu’à cela ne tienne, nous étions habitués à respirer, pendant tout l’hiver dans les maisons de colonie, cet air qu’on qualifierait évidemment aujourd’hui d’irrespirable et malsain.

Pour nous les enfants, le clou du temps des Fêtes, après les cadeaux à Noël, était la galette des Rois. Dans les semaines précédentes, nous rêvions déjà à qui seraient roi et reine de cette journée tant espérée. Et on jouait souvent à se mettre en situation.

Cette galette, ou gâteau chez certains, contenait un pois pour le roi et une fève pour la reine qui étaient enfouis dans la pâte avant de la mettre au four. Bien entendu, la cuisinière devait bien mémoriser de quel côté se trouvaient les deux pièces à conviction car une moitié de la galette était destinée aux filles et l’autre aux gars. Pour que ce soit équitable entre les adultes et les enfants, tante Claire cuisinait deux galettes. Du coup on comptait au final deux rois et deux reines.

D’habitude, quand nous nous attaquions au dessert, ça s’avalait gros; ça entrait au poste, disait-on. Mais aux Rois, c’était la seule fois dans l’année où on grignotait le morceau du bout des lèvres pour ne pas rater le pois ou la fève. Certains, plus appliqués, émiettaient minutieusement leur portion à la fourchette.

Dès après que les candidats à la royauté étaient connus, la tradition voulait que le roi et la reine se donnent un baiser. Les adultes acquiesçaient à coup sûr avec empressement mais nous, les petits gars, ça nous répugnait au plus haut point. C’était, au pire, un refus entêté et au mieux, un furtif bécot en cul de poule.  Après coup, comme si la fille nous avait contaminés, on s’empressait de s’essuyer la bouche sur la manche. Néanmoins,  comme nous étions fiers d’être couronnés roi ou reine d’un jour!

À l’époque, après Noël et le Jour de l’An, la Fête des Rois clôturait la délirante virée des familles nombreuses. Dès le lendemain, les hommes repartaient un à un pour les chantiers tandis que les femmes s’encabanaient avec leur marmaille pour le reste de l’hiver.