Les objets ont une âme

Les objets ont une âme

sam, 22/12/2018 - 09:38
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Il est facile d’accumuler. Est-il aussi facile de se départir? Après tout, les objets ont tous une histoire à raconter. Écoutez le collectionneur. Les objets révèlent beaucoup de choses sur les gens qui les ont acquis et conservés.

L’objet patrimonial raconte davantage que l’objet de civilisation. Celui-ci, une fois mis en abyme, deviendra forcément lui aussi, avec le temps, un objet patrimonial chargé de sens. À celui qui le questionne, l’objet révélera le sens qu’on lui a donné au fil du temps. De prime abord, la fonction d’un objet ancien n’est pas toujours évidente. On l’aura oubliée. Dans ce cas, seul celui qui aura connu l’objet en question et qui l’aura utilisé pourra le ressusciter en en révélant le sens. Ainsi, le caractère de l’objet patrimonial pourra être exploité, entre autres, pour les liens qu’il tisse entre les gens par analogie de métier ou entre générations.

L’objet est toujours un objet de pouvoir. Il parle d’appartenance. Si c’est un outil, il est le prolongement de la main. Si c’est une voiture, elle est le prolongement du pied. Le trousseau de clefs est un objet de pouvoir, car aucune porte ne résiste au détenteur. Arborer ce trousseau, c’est dire son pouvoir de manière ostensible : je suis celui qui ouvre toutes les portes…

Le marteau du juge, c’est son poing sur la table qui raisonne et impose la raison, le silence et qui clôture le sujet. Le marteau remplace la pierre de nos lointains ancêtres…

Dans l’une des premières scènes du film 2001, odyssée de l’espace, on voit les débuts de la technologie apparaître : un grand singe manipule des os. Il semble s’amuser à frapper les uns avec les autres. Il est tout entier dans l’observation du geste qu’il pose et de son impact. Il répète son geste et voit la réaction qui s’opère et le résultat obtenu. Soudain, il fait le lien entre son geste et le développement qui suit. L’objet devient outil, son prolongement technologique. Il exulte alors, car dans son cerveau, appelé à entrevoir la conséquence, jaillit l’étincelle d’intelligence qui s’inscrira dans les générations suivantes sans retour en arrière, de telle sorte qu’on peut présumer que ce qu’un humain acquiert avec l’expérience, sa descendance l’aura déjà intégré quelque part, comme un acquis.

Il est toujours intéressant de mieux comprendre la nature et le sens de l’objet, sa facture, son usage, sa place dans l’espace, comme sa place dans une séquence d’innovations techniques. Souvent, il s’inscrit dans une généalogie d’objets à partir desquels on peut suivre son évolution historique et technologique particulière. Les objets se spécialisent donc, s’améliorent, se raffinent, se complexifient ou, à l’inverse, se simplifient dans le temps. On sait pertinemment que c’est en travaillant qu’on apprend à travailler parce que le geste posé des centaines de fois se précise, se raffine jusqu’à devenir naturel et facile. Le patin n’est autre chose qu’une lame d’acier. Celui qui le chausse sera maladroit la première fois, mais avec le temps, il gagnera en vitesse et en agilité. Ainsi, le génie n’est pas dans l’outil, mais dans celui qui le manipule.

Dans une autre culture, le même objet n’aura peut-être pas la même valeur symbolique, sociale, culturelle, économique, politique et marchande pour autant.

La curiosité qui conduit à l’examen d’un objet devrait instiller l’aptitude et le désir de sentir, de deviner la beauté, de s’édifier et d’encourager le maintien, la protection et la conservation des ressources et du patrimoine matériel pour leur valeur inestimable. De la même manière, le patrimoine immatériel, qui réside en chacun de nous pour peu que nous avancions dans le savoir, pourra légitimement bénéficier de considération pour toutes les révélations portées à notre connaissance par ceux qui savent les livrer.