De colon à cultivateur prospère : Damasse Bégin (2)

De colon à cultivateur prospère : Damasse Bégin (2)

mar, 28/12/2021 - 09:22
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Revenu à Palmarolle, M. Bégin s’installe provisoirement chez Guimont Roy, le premier défricheur du canton, achète tout le bois nécessaire pour se bâtir de maison et se met résolument à la tâche sur ses lots, en attendant le premier contingent de ses enfants.

Le char de « ménage » met neuf jours à monter. Florent, qui y a pris place, trouve le chemin long car le cheval est le seul autre être vivant à bord.

Pendant ce temps-là le premier groupe est arrivé à La Sarre, où le chef de famille l’a rejoint; on y prend pension pour quelques jours. Quand Florent s’amène enfin, les effets sont chargés dans le chaland de Xavier Couillard, et en route pour Palmarolle! Damase Bégin en sera quitte pour débourser $25 aux mains du batelier. On a 18 milles à faire par eau. Elphège, qui monte à dos de cheval, n’aura que 10 milles à parcourir, mais la tâche ne sera pas précisément facile, surtout dans la dernière partie du trajet alors que le cheval devra suivre le sentier qui tient lieu de chemin.

Le voyage par eau, de La Sarre aux lots de Damase Bégin, prend la majeure partie de la journée. La première nuit, les arrivants la passent chez Guimont Roy. Tous sont fourbus, on le conçoit. Aussi un sommeil de plomb ne tarde pas à avoir raison des larmes que voudrait faire couler abondantes chez quelques-uns la véritable première nuit en pays neuf.

Le lendemain, on est tôt à la besogne pour transborder dans le camp en bois rond la cargaison du chaland. Ce geste scelle définitivement la prise de possession du sol abitibien par la famille Bégin.

Mais si nous laissions ici Elphège, fils du pionnier, raconter les débuts à Palmarolle.

« Dès les premiers jours, dit-il, mon père se met en frais de construire une maison de planches de 24 par 24 pieds à deux étages, sur le bord même de la rivière Dagenais à cause du danger de feu. C’est logeable mais ça ne se compare pas avec la nouvelle habitation que nous aurons dès 1924. Pour l’érection de son premier foyer mon père a le concours de Jean Bizier, habile menuisier, plus tard (aujourd’hui encore) propriétaire d’une fabrique de portes et châssis dans le village de Palmarolle. »

« À notre arrivée dans le canton, continue Elphège Bégin, c’est partout la forêt; nous ne comptons même pas une demi-acre de défrichement sur le lot où se trouvent le camp et l’écurie. Le premier hiver, Florent et moi, nous bûchons pour un oncle, dans le haut de la rivière Dagenais. Rien ne se vend: la Cie Abitibi n’achète pas de bois cet hiver-là. Au printemps nous réussissons pourtant à vendre à La Sarre de la « pitoune » qu’il nous faut descendre par chaland. Vers le même temps nous coupons du tremble aux alentours de la maison en vue des abatis de l’été. Au printemps de 1922 encore commence l’arrachage des arbres dans le tracé du chemin du village de Palmarolle. »

Et notre interlocuteur de raconter que trois frères Bégin travaillent à cette entreprise gouvernementale; ils reçoivent $2.25 par jour, gages à même lesquels ils payent leur pension, même les jours où le mauvais temps les force de chômer. Les travaux durent jusqu’à l’automne. Il s’agit d’arracher les arbres, creuser les fossés et remplir les coulées. N’allons pas croire toutefois que le chemin est dès lors carrossable: il faudra attendre quelques années encore.

Pendant que se déblaie la route, le père Bégin et ses fils plus jeunes travaillent d’arrache-pied sur les lots 19, 22 et 23 achetés du gouvernement à $60 chacun et sur les lots 20 et 21 acquis de Louis Ayotte, de La Sarre, au coût de $100 chacun, ceux-là. Le nouveau colon n’a pas tardé à agrandir son domaine. Le premier labour se fait dans le brûlé, dès l’automne 1922: dix acres; l’été suivant on y récolte de l’avoine de cinq à cinq pieds et demi. Est-il besoin de dire que le premier labour a été ardu dans la terre glaise dont le feu avait détruit l’humus. Il n’est pas question de primes gouvernementales alors (elles commenceront en 1923 et seront peu élevées au début). Les billets de chemin de fer à prix réduit pour sa famille, son mobilier et son roulant constituent la seule faveur dont bénéficie le colon.

À suivre…