La première église à Palmarolle

La première église à Palmarolle

dim, 02/10/2022 - 16:52
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Devenue paroisse en 1926, Palmarolle a toujours sa chapelle-école mais elle rêve d’ériger un jour une église digne de ce nom. Pour l’heure, elle requiert maintenant un corps de marguilliers.

Les premiers membres du banc d’œuvres sont élus le dimanche 26 décembre. Ce sont Héras Richard, marguillier en charge, Alphonse Morin et Moïse Gauthier (En 1947 le banc sera occupé par Joseph Morin, François Caron et Achille Mailhot).

Inspirés par leur entreprenant curé, les membres du banc d’œuvres, et avec eux tous les paroissiens, caressent le projet de doter au plus tôt leur paroisse d’une église plus en accord avec son nouveau rang et d’ailleurs plus propre à répondre aux besoins d’une population sans cesse croissante. Le premier pas dans cette voie est fait le 3 janvier 1927 avec une levée de fonds qui rapporte $200.80.

On a certes raison de désirer une église, mais, présentement, un presbytère se fait plus urgent car depuis son arrivée l’abbé Halde habite la maison de Raoul Gagnon. L’unique pièce qu’il occupe lui sert à la fois de bureau, de salon et de chambre à coucher. Le curé mange cependant dans la salle commune. Non pas que le pasteur ne soit pas bien traité chez son hôte, mais il est à même de constater la véracité du dicton: « Un petit chez soi vaut mieux qu’un grand chez les autres ». M. Halde passera tout de même dix-sept mois chez M. Gagnon. C’est en novembre 1927, en effet, qu’il entre dans son presbytère. L’intérieur de la maison n’est pas terminé, tant s’en faut, mais le curé ne s’en fait pas: il a un jeu pour attendre. De fait il faudra dix ans pour que tout soit à point. Le pasteur aura cependant le plaisir de se dire à ce moment-là que les principales améliorations sont l’œuvre de ses mains.

Il faut donc doter Notre-Dame de Palmarolle d’une église, mais le curé n’entend pas procéder à la légère. D’ailleurs ce prêtre juge que dans l’organisation religieuse d’une paroisse il faut aussi tenir compte jusqu’à un certain point du facteur argent. Même les maigres octrois du Plan Vautrin qui arriveront en 1934 n’existent pas encore au début de Palmorolle. Puis viendra la bouleversante dépression économique de 1929-40. Cette crise ne frappera pas moins les colonies que les vieilles paroisses. Les familles qui à cette époque émigrent en Abitibi espèrent y trouver le pain que leur refusait leur lieu d’origine. Et parmi les arrivants ceux qui ont réussi à vendre leurs propriétés se faisant ainsi quelques centaines de dollars ne sont pas des richards pour autant, car il leur a fallu verser au chemin de fer la majeure partie de cet avoir, même s’ils bénéficiaient d’un coût de transport réduit. Tel est bien le cas pour les chefs de famille qui ont à payer pour six, sept enfants et davantage, en plus du mobilier, des animaux et des quelques instruments aratoires.

Ils n’arrivent donc pas riches de biens matériels, les aspirants défricheurs de Palmarolle, mais ils regorgent de courage, d’énergie et d’amour de la terre, toutes qualités que renforcit leur ferme volonté d’assurer l’avenir de leurs enfants. Et cela pour eux, Dieu merci, revêt autrement de valeur que les biens matériels.

Il reste que le curé doit tenir compte du manque d’espèces sonnantes de ses paroissiens. Aussi dans bien des cas leur force musculaire tiendra lieu d’argent. On ne comptera pas les fois que les défricheurs, répondant à l’appel du curé, donneront des jours de corvée pour suppléer au numéraire qu’ils ne peuvent fournir. Mais les jours de corvée qu’un colon débutant et pauvre par surcroît peut donner est, en dépit de la meilleure volonté du monde, nécessairement limité car il doit voir à ses propres affaires. S’il n’est pas riche, comme c’est la réalité pour le grand nombre, il faut dès lors, concède le curé, lui allouer plusieurs journées de travail rémunérateur en dehors de son lot afin qu’il assure, dans les débuts du moins, la subsistance des siens. En 1923 le gouvernement de la province commence de verser aux colons de très modestes primes de défrichement. Les défricheurs n’ont à peu près comme gagne-pain en dehors de leur lot qu’une partie de l’argent voté par l’État pour l’ouverture des chemins. Cette situation suggère donc au curé-colon de compter avec l’ordre des choses dans l’organisation de sa paroisse. Il importe dès lors d’y aller avec prudence et modération dans les dépenses, de parfaire l’organisation religieuse et matérielle à l’unisson de la condition des paroissiens. Voilà pourquoi le pasteur prendra dix ans à aménager complètement son presbytère.

Pour la même raison l’église, qui sera finalement inaugurée le 12 septembre 1934, ne sera dotée qu’en 1937 d’un carillon de trois cloches. Les cloches, ces êtres inanimés qui parlent pourtant un langage si familier au cœur des paroissiens, elles qui sont une partie de l’âme de la paroisse!

Source : Gérard Ouellet, Hier à Palmarolle