J'attend l'autobus

J'attend l'autobus

dim, 29/08/2021 - 09:15
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''Un circuit artistique majeur n'existe pas sans sa contrepartie. Si y a pas d'miroir, comment voir son reflet? Au lieu d'seulement se r'garder dans l'estie d'miroir mondial, dans New York, dans Paris, pourquoi pas aussi se r'garder dans l'miroir des régions?''

J'attends l'autobus est le titre d'un roman écrit par un p'tit gars de chez nous, livre qui vient d'être publié en 2021. Je dis bien un p'tit gars de chez nous, pas si p'tit que ça, parce qu'il défend bec et ongles sa région avec, ma foi, des arguments qui sonnent vrai. Son langage nous rejoint parce que c'est à nous qu'il s'adresse vraiment. C'est Alexandre Castonguay.

Jeune, il a connu Montréal, l'urbanité, comme il dit. Ça ne l'a pas empêché de rester fidèle à sa région... D'abord, il écrit comme on parle et il ne met pas de gants blancs. Il nous livre sans ambages le fond de sa pensée en ce qui a trait à notre mentalité qu'il appelle à changer, à notre façon de nous percevoir qu'il appelle à évoluer, relativement aux grands centres.

Nous aussi, avons quelque chose à dire. Nous aussi, avons une vision du monde qui vaut bien celle des grands centres, qui reçoit un éclairage plus que suffisant. Le pays est immense et une région périphérique comme la nôtre n'ignore pas l'expérience que ça représente de traverser la forêt boréale pour monter jusqu'à la hauteur des terres, ni l'inverse pour descendre à Montréal. Ici, on est riche de matières premières et c'est la première vraie raison de notre ouverture en tant que région. Longtemps, nous n'avons vécu que dans le regard de ceux qui tiraient profit de tant de richesses et longtemps, nous n'avons constitué aux yeux du sud qu'un marché où acheminer denrées et autres produits de consommation qui nous parvenaient d'abord par train, puis par la route 117. L'histoire de l'entrepreneuriat est jeune, ici. De plus, notre climat continental sec n'a rien à envier à celui humide de Montréal et Québec... Après nous, c'est la Baie James, à une distance équivalente de celle qui nous sépare de Montréal. Ici, on la voit très bien, la Voie lactée. Et que dire des aurores boréales!

Pourquoi ne pas tirer parti de nos particularités et gagner de la confiance sur le plan de l'identité régionale? L'auteur de ce plaidoyer pour les régions est comédien travailleur autonome. Il a sollicité les villages de la région pour leur offrir des mises en lecture et du contenu théâtral à leur mesure. Et les gens se sont déplacés et ont rempli les petites salles. Les événements artistiques sont presque toujours centralisés alors que le public existe aussi dans les petits villages. Souvent, de telles soirées se terminent par des échanges profitables. Les gens ainsi conquis sont chaleureux, généreux et reconnaissants! Les perrons d'église ont perdu leur monopole des rencontres constructives depuis belle lurette, mais n'ont pas été remplacés. Comment favoriser à nouveau cette vie communautaire utile aux nécessaires échanges entre citoyens d'un même village sinon en présentant du contenu inspirant, capable de susciter un désir de poursuivre dans le même sens, celui de se reconnaître dans la culture qui s'offre à nous de manière tentaculaire?...

Le théâtre ne rejoint pas tout le monde dans sa formule actuelle. Il aurait bien besoin qu'on reconnaisse cette autre façon de présenter les choses pour se rapprocher encore plus du vivant, du vrai monde!

Il faut lire, d'Alexandre Castonguay, le bel ouvrage paru en 2021 qui a le grand mérite de nous ressembler et de bientôt de nous rassembler. Il s'intitule J'attends l'autobus, aux Éditions de Ta Mère.