De l'appropriation culturelle

De l'appropriation culturelle

lun, 25/01/2021 - 10:10
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Définition : utilisation par une personne ou un groupe de personnes d'éléments culturels appartenant à une autre culture, généralement minoritaire, d'une manière jugée offensante, abusive et inappropriée.

Ce délicat sujet de l'appropriation culturelle attise la controverse. Sujet épineux s'il en est! De fait, admettons que, depuis toujours, les humains se sont approprié des éléments des autres cultures, pour des raisons évidentes. Mais la question n'est pas si simple. L'angle d'où nous la considérons, les référents des différentes cultures et la perception que nous en avons seront déterminants.

Les civilisations se sont mutuellement côtoyées et enrichies au contact d'autres cultures que les leurs. Les premiers contacts ont pu être hostiles dans certains cas, avec des invasions, de la domination, de l'esclavage (apanage de nombreux peuples), voire des guerres et des génocides. Mais il y eut aussi de formidables découvertes, des immersions, des échanges de bons procédés et de savoir-faire, des emprunts, des imitations, du commerce par les peuples mercantiles, de nécessaires apprentissages, du métissage, de l'inspiration et le partage de connaissances hautement utiles à l'amélioration de la condition humaine. Plusieurs formes d'humanisme, en quelque sorte. Nous pouvons penser que la générosité humaine naturelle et un élan inné de solidarité ont généré cette espèce d'osmose, d'influence réciproque et d'interpénétration qui a pu faire en sorte d'accélérer un développement méthodique et technologique des civilisations sans lequel l'évolution aurait probablement été ralentie ou entravée. Elle aurait stagné. Qui nous dit qu'elle n'a pas déjà stagné par peur de l'inconnu, par peur de l'autre?

Nous en étions là à un moment donné de notre évolution. Mais nous avons osé sortir de notre zone de confort, en quelque sorte, pour franchir la distance qui nous séparait de part et d'autre, grâce à cet irrésistible attrait pour l'inconnu, l'étranger, le différent mais Ô combien fascinant! Et nous avons gagné au change! Nous avons élargi nos horizons et nos consciences grâce aux bénéfices de l'accueil, de l'accessibilité, de l'ouverture d'esprit, de la curiosité pour le savoir-faire, l'alimentation et les coutumes caractéristiques, les maisons, la façon de concevoir la vie et le monde. Nos sens aiguisés sont allés de perspectives en découvertes. L'ouverture à l'autre nous a donné accès à des sons, couleurs, saveurs, textures et parfums nouveaux. Ces valeurs culturelles et philosophiques ont pu participer à la construction de notre identité sans dilution de nos origines.

Où en sommes-nous aujourd'hui quant à l'appropriation culturelle? Notre réelle intention, lorsque nous empruntons aux autres cultures, est-elle honnête? Voulons-nous les promouvoir, les mettre en lumière, leur rendre hommage? Ou, au contraire, notre intention est-elle carrément de les dénaturer, de les ridiculiser, de les dénigrer ou de les dominer et de les exploiter pour en tirer profit? Sommes-nous toujours soucieux, lorsque nous nous inspirons de la culture de minorités visibles, d'être fidèles, conformes à leurs valeurs? Mais encore, pouvons-nous exprimer notre créativité à travers elles, dans la diversité, sans les trahir? Sommes-nous, pouvons-nous être équitables dans l'exercice de représentativité que le souci de rendre justice devrait animer? Qui, mieux que le représentant d'une culture, peut en traduire toutes les subtilités? Toutes des questions qui méritent réflexion et respect.

Dans ce sens, d'autres enjeux pourraient être considérés bien avant ceux de l'appropriation culturelle, dont ceux de la pauvreté et de l'exploitation érigée en système. Un pays comme le nôtre, une société moderne qui se respecte devrait pouvoir rendre accessible à tous, quel que soit leur race, origine ou statut, une vie décente, sous un vrai toit, avec l'eau courante et l'espoir de meilleurs lendemains.