Vivre la mort

Vivre la mort

jeu, 01/11/2018 - 09:12
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Accompagner quelqu’un dans les dernières heures de sa vie est une expérience difficile, éprouvante. Sentir la mort rôder dans la chambre, c’est comme une chape de plomb sur les épaules.

Nous devons saluer l’admirable travail  du personnel des soins palliatifs ainsi que de leurs bénévoles qui côtoient la mort jour et nuit. Leur présence est respectueuse et discrète. Ils sont d’une délicatesse et d’une attention qui les honorent. 

En juillet dernier, en compagnie de ma conjointe, j’ai vécu cette angoissante expérience auprès de sa sœur en phase terminale d’un cancer. Angoissante parce que ça demande un effort considérable pour regarder mourir quelqu’un. J’ai trouvé ma conjointe très courageuse de lui tenir la main jusqu’à son dernier souffle. Ce sont des heures d’abnégation de soi et d’empathie. Et il y a toujours cette mort dont on devine la présence autour de soi, exhalant son odeur nécrosée. On en vient à souhaiter qu’elle emporte ce corps qui souffre le plus rapidement possible. Mais des fois elle n’est pas pressée la mort. Elle prend son temps, savourant nos angoisses. Elle nous provoque, elle nous défie.

En veillant ma belle-sœur, je me suis surpris à imaginer ma propre mort. Je me suis vu dans la même situation, haletant les derniers instants de ma vie. Et j’avoue que j’ai eu peur. Peur de cette échéance qui, un jour, m’emportera à mon tour. Je tentais difficilement de chasser ces pensées qui m’accablaient. Fallait que j’aille prendre une marche dans le couloir pour m’en débarrasser. Mais dès que je revenais dans la chambre, la mort était là, me narguant de plus belle.

Ça nous ramène à notre fragile et éphémère séjour dans ce monde. On nait pour mourir, dit-on. Dès notre naissance nous commençons à vieillir. Nous avons une date de péremption, c’est incontestable. Si elle était imprimée sur notre front, si nous avions conscience de notre «finitude», nous mènerions peut-être notre vie différemment. Nous lèverions probablement un peu le pied et nous serions moins portés à monter aux barricades l’écume aux lèvres. Nous prendrions le temps de vivre le moment présent et nous cesserions de nous inquiéter pour le lendemain.

Au dernier souffle de ma belle-sœur, la mort s’engouffra dans sa bouche et la vie en sortit dans une lente expiration. Ses souffrances prenaient fin.