Peur et désir se toisent...

Peur et désir se toisent...

mar, 03/01/2023 - 15:11
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Où en sommes-nous de nos désirs d'un monde meilleur?

Avons-nous oublié qu'étant jeunes, le monde nous appartenait? Avons-nous fini par découvrir comment nous inscrire dans ce monde où nous vivons tant bien que mal, tout en n'abandonnant pas nos rêves de jeunesse comme celui de changer le monde? Y a-t-il de la place encore aujourd'hui pour des parcours idéologiques fidèles à soi-même? Ou bien avons-nous peu à peu laissé tomber nos idéaux, ceux auxquels nous croyions si fort, ceux que nous élevions au-dessus de tout avec la certitude que nous trouverions la façon de les atteindre sans compromis?

Avec un esprit critique, je réfléchis au fait qu'en ce début d'année 2023, force est de constater que les structures sociales, qui sont censées nous faire évoluer dans un sens commun, sont déficientes. Que tout concourt à nous diviser, à nous isoler, à nous dénaturer en tant qu'humains. Que plus on avance, plus on a le sentiment de reculer. Que la résistance que manifeste la masse aux changements nécessaires face aux enjeux auxquels nous sommes confrontés n'aura de cesse que lorsque nous serons mais vraiment acculés au pied du mur. Nous y sommes déjà et l'aveuglement nous fait nier que la maison brûle. Ah!... La machine est efficace... Somme toute, il semble que nous ayons changé de religion et voilà tout! Sommes-nous à ce point endormis par le tourbillon qui nous entoure pour ne pas réagir et courir bref, à notre perte? La tolérance elle-même est une lame à deux tranchants...

La peur me prend aux tripes. Et comme l'affirme Catherine Dorion dans son essai Les luttes fécondes, la peur n'est jamais loin du désir. Les deux se côtoient étroitement, peuvent se toiser, mais se croisent si peu! Chacun se cantonne et l'inaction résulte du fait de son impuissance à confronter l'autre. Tout geste est posé en fonction de faire le moins possible de vagues. On aspire à mieux, on désire, mais on craint de déranger, de devenir une cible. À quand le renversement? À quand la révolution? Ah! Voilà la peur qui revient... Les chemins de travers sont défendus d'emprunt... Il ne faut pas bousculer l'ordre établi, de peur que le désir, trop longtemps muselé, sorte au grand jour...

Quel désir? Celui d'un monde meilleur... Est-il contagieux? Oh! Que si! Mais n'ayez crainte : tant que les masques restent en place, nous en sommes quittes pour une belle peur bleue. De quel masque s'agit-il ici? Du masque de l'anonymat : celui derrière lequel se cachent ceux qui tirent les ficelles de ce système désuet qui étouffe dans l'œuf toute prise de conscience des possibilités de changements féconds vers le bien commun à tous, les riches comme les pauvres et tous ceux de la classe moyenne qui n'en peuvent plus de cette course au mieux-être qu'ils tardent à atteindre.

Qu'est-ce que cette vie-là où, de tous bords et de tous côtés, nous sommes constamment sollicités de partout? Toujours un problème en suspens, toujours un petit nuage noir qui nous suit partout où nous allons? Toujours des échéanciers à respecter, toujours des comptes à rendre, des pages à tourner, des deuils à faire, des défis à relever? Quand pouvons-nous suspendre le temps, recouvrer le sentiment de nous appartenir entièrement, nous respecter nous-mêmes et demeurer intègres dans les choix que nous faisons, rendre grâce enfin et relever la tête pour contempler l'horizon? De ces gestes simples, nous tirons meilleur parti que du reste qui nous casse les pieds. Désirer mieux ne rime certes pas avec absence de vision ou retour d'ascenseur. Questionner le statut quo ne signifie pas conspirer. Tolérer la cacophonie peut rendre sourd.

À qui donner priorité, sinon aux humains que nous sommes? Par nos décisions quotidiennes, nous réglons le sort du monde. Où allons-nous ainsi à vitesse grand V? Notre nature grégaire nous rassure un temps, mais quand vérifierons-nous l'itinéraire et le légitime but poursuivi, s'il n'a pas changé en cours de route, au lieu de suivre en n'ouvrant jamais les yeux juste pour voir où nous en sommes? On nous dira que c'est difficile pour tout le monde, splendeur et misère des riches, c'est ça? On nous dira de cesser de nous plaindre, tu nous les casses à la fin! On ne peut plus rien dire, c'est ça? Mais l'amélioration de notre sort passe-t-elle forcément par l'avoir? J'ose croire que non. J'espère que non. Avec tout ce que traverse notre vivante planète dans sa course vers l'infini, alors justement que la biodiversité, fondement de notre existence, décline, menacée, pouvons-nous seulement envisager de voir baisser nos standards sans cesser de croire que le vrai bonheur reste quand même accessible?

C'est la résolution que j'espère appliquer en 2023, à la suite de la lecture du petit livre de Catherine Dorion qui donne envie d'y croire plus que jamais.

Les luttes fécondes, libérer le désir en amour et en politique, Catherine Dorion, (Documents) Atelier 10, 2017, 109p.