Souvenirs personnels de l’accident de mon père, Jos Lapointe

Souvenirs personnels de l’accident de mon père, Jos Lapointe

jeu, 01/09/2022 - 07:27
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Une nouvelle collaboratrice se joint de façon ponctuelle à l’équipe du Journal Le Pont. Jocelyne Lapointe-Bourgeois, fille de Jos, raconte ce mois-ci, dans un premier de trois textes, le tragique accident de son père, survenu le 18 avril 1965. Très belle plume, Jocelyne relate, avec moulte détails et beaucoup d’émotions, comment elle a traversé, à l’âge de dix ans, cette terrible épreuve.

Le 18 avril 1965 est une date qui restera toujours gravée dans ma mémoire. C’était le jour de Pâques. Quelques jours auparavant, mon père était arrivé chez-nous avec une grosse boite de carton remplie de chocolat de Pâques pour ses six enfants.

D’habitude c’est maman qui achetait nos chocolats mais pour quelque raison que ce soit, mon père avait décidé de les acheter lui-même. Il avait choisi les plus gros chocolats qu’on avait jamais eu. Wow! Quel plaisir! J’avais tellement hâte à Pâques pour pouvoir les déguster.

Pour faire changement, le curé de la paroisse avait décidé de célébrer une messe de minuit la veille de Pâques mais aussi une messe le lendemain matin pour ceux qui le préféraient. Mes parents avaient choisi d’aller à cette messe de minuit. Après la messe, ils recevaient leurs amis pour un party. Mon père décida que ce serait lui qui irait reconduire le vieux monsieur Caron chez-lui au rang 9 de Palmarolle, avant que la veillée commence.

En revenant au village, il a eu un accident de voiture qui a été provoqué par un ACV. Mon père n’avait que 37 ans. Il a perdu connaissance avec son pied sur l’accélérateur. Son char a frappé le trottoir en avant de la maison de Pierre Lebel et en même temps les deux roues gauches de son char sont passées sur le dessus du coffre arrière de l’auto de M. Lebel et l’ont renfoncée. Il a manqué le poteau d’électricité de quelques pieds. À la vitesse qu’il allait, quand son char a frappé le fond du gros trou qui séparait les deux maisons, son auto a été propulsé dans les airs pour aller frapper le toit de la maison de M. Bernier et pour ensuite retomber dans le trou. Dans ce temps-là mon père, électricien, n’avait pas de van pour son travail. Il conduisait un Station Wagon qui était plein de matériel électrique en arrière. D’habitude, il vidait l’auto pour la fin de semaine au cas où on irait faire une randonnée en famille, mais cette fois-là il ne l’avait pas fait. Il a été frappé à la tête par son gros coffre d’outils en métal. 

L’ambulance a été appelée et il a été transporté à l’hôpital Youville de Rouyn-Noranda. À cause des multiples fractures au cerveau et aux mâchoires, sa tête était très enflée. Maman nous a dit que le sang sortait de sa bouche, son nez et ses oreilles (symptômes de lésions cérébrales). Ils ont mis une tente à oxygène autour de son lit pour l’aider à respirer mais aussitôt que l’infirmière ou le docteur soulevait la tente pour lui donner des soins, mon père manquait d’air et devenait bleu. Il était également dans le coma. Le médecin ne voulait pas l’envoyer à Montréal parce qu’il disait que mon père en avait seulement que pour deux heures à vivre. Mon oncle a insisté pour que le docteur décide finalement de l’envoyer à Montréal par avion. 

Après un examen à son arrivé à l’hôpital, les médecins ont dit que papa avait deux fractures du crâne et des fractures aux mâchoires. Son côté droit était paralysé. Ils lui ont donné de l’oxygène directement dans ses poumons. Une nuit, alors que papa était encore dans le coma, il devait avoir tellement mal aux mâchoires qu’il a arraché tout le brochage qui retenait ses mâchoires en place. Ils ont dû l’opérer à nouveau pour réattacher ses mâchoires. Papa est resté 30 jours dans le coma. À son réveil il avait perdu la mémoire.

À la fin du mois de juin, deux mois après son accident, maman m’a amené visiter papa. Je n’avais pas le droit d’aller dans la salle où tous les blessés graves reposaient parce que ça aurait été trop dur pour moi qui venait d’avoir 11 ans. Alors ils ont amené papa dans le petit salon où j’attendais. Il avait tellement changé. Il paraissait pas mal plus vieux que ses 37 ans. Il se déplaçait à l’aide d’une marchette parce qu’il était encore semi paralysé. Il portait de grosses lunettes avec du ruban noir dans les verres proche du nez pour forcer ses yeux à ne pas loucher, conséquence des fractures qu’il avait eues au cerveau.  Quand il m’a vu il a dit : « C’est qui elle? » Maman a répondu : « Cré farceur va! tu sais bien que c’est Jocelyne. » Moi je savais que papa ne m’avait pas reconnue. Pour qu’il ne me voit pas, je me suis retournée de bord pour pleurer.

À suivre au prochain numéro