FROID

FROID

sam, 25/02/2023 - 09:12
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Les 2 et 3 février dernier, il s’est produit un événement météorologique « inhabituel » : il a fait frette, parait-il… Comme si c’était anormal en hiver au Québec.

Quelques jours avant, les météorologues, notamment Colette et Waldir, faisaient pleuvoir sur les ondes des prévisions catastrophiques : -30 à -40 degrés, -45 à -55 avec le facteur éolien. Ils nous mettaient en garde, nous les pauvres québécois nordiques « peu habitués » à ces températures extrêmes, contre le fameux facteur éolien qui pourrait nous transformer en glaçon en quelques minutes. C’était à décourager toutes les futures Caroline Côté de s’aventurer à l’extérieur. Je rappellerai à ces prophètes que s’ils se donnent la peine de consulter la météo des cinquante dernières années, ils constateraient qu’à presque chaque hiver on a connu de tels coups de froid.

En conséquence de tout cela, l’ouverture du Carnaval de Québec, renommé mondialement pour être la fête du froid, a été retardée pour cause de…froid. Et bien sûr, pour protéger nos petits lapins (dixit Martineau), le transport scolaire a été reporté ou annulé. Ne sortez que si c’est nécessaire, nous répétaient les prophètes de la météo. Et comme dirait l’autre, restez couchés et faites l’amour, ça réchauffe et ça aide Hydro-Québec… 

Lors d’un vox pop météo ce 3 février, la journaliste dont seul le visage était à peine visible demande à une dame, découverte de la tête au cou, ce qu’elle pense de la vague de froid: « Ben moi je pars pour l’Abitibi, alors je m’en fout un peu », répondit-elle candidement.

J’en suis, en Abitibi, à mon 76e hiver et à ce que je sache, il a toujours fait froid en hiver. Les -30 à -40 degrés sont la norme en janvier et février. J’ai déjà été moi-même un petit lapin (ou peut-être un lièvre). Or dans mon temps on ne manquait pas une journée d’école pour un -40 degrés. Ni pour une tempête. Ça prenait une avalanche pour nous garder à la maison… Il n’y avait pas de transport scolaire et un mille à pied ne nous faisait pas peur. Habillés chaudement, le capuchon rabattu sur la tête, on prenait la route, coupant même parfois à travers champs. Le facteur éolien ? On connaissait pas. Personne n’en est mort, personne n’a rencontré un virus.

Au début des années ’60, quand la testostérone commença à réchauffer mon sang, je parcourrais deux milles à -30 degrés, en souliers et chaloupes, un léger manteau par-dessus mon habit de ville, pour aller rencontrer des filles au resto du village. Au grand dam de mon père qui aurait voulu que je porte l’étoffe des chantiers.

Et plus tard, j’ai encore affronté le froid, dormant sous la tente à plus d’une centaine d’occasions sur le lac Abitibi, bravant -35 degrés la nuit et le vent ou la tempête le lendemain. C’est ce que nos ancêtres ont fait pendant quelques centaines d’années.

Nous en sommes, au Québec, à notre 489e hiver depuis que Jacques Cartier a abordé nos côtes. Pourquoi en sommes-nous arrivés à craindre qu’il y fasse froid ? Pourquoi sommes-nous devenus si moumounes ? Serait-ce la météo spectacle qui dramatise dès que le mercure descend à -15, faisant en sorte que les gens ne sortent plus ? Le confort nous a-t-il lentement amené à haïr l’hiver ?

Le froid s’apprivoise, savez-vous? Il suffit de sortir, de le respirer pour vivifier ses poumons et de le laisser un peu caresser nos joues. Parlez-en à Caroline Côté qui revient d’une randonnée de 35 jours au pôle Sud en Antarctique.