Souvenirs personnels de l’accident de mon père, Jos Lapointe – 18 avril 1965 (2e partie)

Souvenirs personnels de l’accident de mon père, Jos Lapointe – 18 avril 1965 (2e partie)

ven, 30/09/2022 - 15:26
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Dans le numéro de septembre, Jocelyne Lapointe, fille de Jos, nous a relaté le terrible accident de son père qui est venu près de l’emporter. Gravement blessé à la tête, deux fractures du crâne ainsi que de multiples fractures à la mâchoire, il a dû passer plusieurs mois dans un hôpital de Montréal, loin des siens. Voici la suite de cette histoire racontée par Jocelyne.

Avant son accident papa était président de la Jeune Chambre de Commerce. C’est lui qui faisait le Père Noël à La Sarre. Il prenait le train à Dupuy juste à l’ouest et toute la foule l’attendait à la station du train à La Sarre. Il montait dans une calèche tirée par des chevaux pour se rendre au Centre des Loisirs pour recevoir tous les enfants qui repartaient avec un sac de bonbons. Il faisait un bon Père Noël avec son gros rire. Les enfants l’aimaient beaucoup. De voir que maintenant il ressemblait à un petit vieux et en plus qu’il ne me reconnaissait pas, c’était tellement triste et difficile.

En tout papa est resté six mois à l’hôpital. Sa mémoire est revenue graduellement. Le problème qu’il avait c’était de dire le nom des objets ou des personnes. Comme par exemple, il pouvait décrire un cheval et dire que ça travaillait sur la terre quand il était jeune, mais il ne pouvait pas prononcer le mot « cheval ». Pendant que papa était en convalescence, il ne pouvait pas travailler dans son métier de contracteur électricien. Notre famille de six enfants vivait avec une petite pension qui était juste assez pour payer les frais nécessaires. 

Durant les six mois que papa fut à Montréal, maman a toujours eu quelqu’un pour l’amener le visiter les fins de semaines. Elle n’a jamais eu à prendre l’autobus ou l’avion. Papa était aimé de tout le monde. Nous autres on se faisait garder soit par nos tantes, les amies de maman ou madame Raoul Richard, une vieille dame. Je me souviens qu'une fois, elle voulait nous faire du spaghetti.  Quand je suis arrivée dans la cuisine, Mme Richard était debout en avant du poêle. Elle prenait un brin de spaghetti à la fois et le coupait en petits morceaux d'environ deux pouces avant de les mettre dans le chaudron d'eau chaude. Je lui ai dit : « Qu'est-ce que vous faites là madame Richard? »  Elle m'a répondu : « Je ne veux pas que le petit s'étouffe en mangeant le spaghetti. » Elle parlait de Mario qui avait 1 an à ce moment.  Je lui ai dit que maman prenait les poignées de spaghetti dans ses mains et les cassaient en deux et que ça allait pas mal plus vite.  Pauvre madame Richard!  hihi!  Je me souviens d’une autre fois quand madame Richard nous gardait : Claude et moi qui n’avions que 11 et 12 ans, on a voulu faire une surprise à maman. Moi, j’avais fait le lavage et Claude avait lavé et ciré le plancher de notre grande cuisine pour que maman soit contente à son retour le dimanche soir.     

Pour en revenir au dimanche de Pâques, quand je me suis réveillée, l’amie de maman, Rosianne Sévigny, était assise sur le coin de mon lit. Je me demandais bien ce qu’elle faisait là. Elle attendait que je me réveille pour me dire que papa avait eu un grave accident avec son auto et qu’il avait été transporté à l’hôpital de Rouyn-Noranda. J’étais sous le choc. Tout se bousculait dans ma tête de petite fille de 10 ans. Je n’ai pas voulu aller à la messe. Mon frère Claude était parti sur les lieux de l’accident pour essayer de comprendre ce qui s’était passé. Pendant qu’il était là, une dame était en train de dire à tout le monde que papa était mort. Claude est revenu chez-nous en larmes. Rosianne lui a dit que ce n’était pas vrai. Claude lui a répondu : « Oui, c’est vrai, c’est madame *** qui l’a dit! »  Lise et Marjolaine sont allées à l’église. Ma grand-mère Bédard les a vues arriver.  Avant qu’elles entrent à l’église, elle leur a dit : « Qu’est-ce que vous faites à l’église habillé comme ça, si votre mère vous voyait… »  Elle trouvait que leurs vêtements n’étaient pas convenables pour aller à l’église. Une religieuse qui arrivait en même temps lui a dit : « Ne disputez-pas ces pauvres petites filles, leur père a eu un grave accident cette nuit. » Je ne pense pas que la religieuse savait que c’était notre grand-mère parce qu’elle ne lui aurait pas parlé comme ça.  Une bonne chance que ma grand-mère l’ait appris avant d’entrer dans l’église parce qu’elle aurait été encore plus sous le choc d’entendre le prêtre annoncer qu’il fallait prier pour Jos Lapointe qui venait d’avoir un grave accident.  

On a passé la journée à attendre les nouvelles de l’hôpital. Je ne voulais même pas manger le gros chocolat de Pâques que papa avait acheté.  J’ai dit que je le mangerais seulement quand papa sortirait de l’hôpital. Six mois plus tard, papa est revenu chez-nous et j’ai pu manger mon gros chocolat de Pâques qu’il m’avait acheté. Je l’avais gardé dans le haut de ma garde-robe pour que mes sœurs ne le mangent pas. Elles ont bien essayé mais je les guettais.

À suivre au prochain numéro